L'enfer est-il moins pénible au soleil ?

À la noirceur succède la lumière aveuglante : le réalisateur et scénariste américain Ari Aster signe son 2e long-métrage avec Midsommar, actuellement en salles. Si dans son premier long-métrage, Hérédité, Ari Aster filmait la plongée dans les ténèbres et la noirceur d’une famille en deuil, recluse dans sa maison, l’intrigue de son nouveau film est quasi exclusivement à l’extérieur, sous un soleil éblouissant de Suède où la nuit ne tombe jamais vraiment.


Midsommar suit un couple, Dani (Florence Pugh) et Christian (Jack Reynor), au bord de la rupture. Les deux jeunes Américains ne sont plus vraiment en phase quand une tragédie touche la famille de Dani. Pour surmonter le deuil, Christian décide de l’emmener avec ses amis en Suède, dans un village isolé pour un festival qui ne se déroule que tous les 90 ans. Les vacances vont rapidement prendre une tournure des plus sinistres.
Outre Florence Pugh (The Young Lady) et Jack Reynor (Mowgli, Detroit, Kin : le commencement), on retrouve également au casting Will Poulter (Black Mirror : Bandersnatch, Detroit, Le Labyrinthe) et William Jackson Harper (The Good Place, Paterson)


Sur la forme, Midsommar reprend les atours d’un genre horrifique un peu oublié au cinéma, le folk horror movie, plongeant le spectateur dans une communauté vivant en autarcie, rappelant tantôt le récent Le Village, de M. Night Shyamalan (2004), tantôt The Wicker Man de Robin Hardy (1973). Les personnages principaux, qui découvrent cette société d’un autre âge, vont s’apercevoir avec horreur qu’elle s’adonne à l’occasion du jour le plus long de l’année à des rites sacrificiels païens. Ils plongent alors, et le spectateur avec, dans une montée en puissance vers le macabre, le morbide, le malsain. L’horreur tient davantage à l’ésotérisme kitsch de la communauté, le contraste anxiogène entre ses croyances et celles de leurs visiteurs. Le montage du film et surtout sa lumière, omniprésente et criarde, renforce ce sentiment de malaise et fait de Midsommar un huis clos étouffant à ciel ouvert.
Mais le nouveau long-métrage d’Ari Aster est surtout un film sur la rupture. Rupture conjugale d’abord : le couple des deux protagonistes bat de l’aile dès le départ et leur séjour en Suède dans cette communauté hostile ne fera que les éloigner un peu plus, conformément aux volontés de leurs hôtes. Rupture psychologique aussi : Dani (Florence Pugh, aussi remarquable d’ambiguïté que dans The Young Lady) s’émancipe autant de son deuil que de son couple en s’appropriant les codes de ce cauchemar solaire et conquérir un pouvoir insoupçonné, dans un final magistral.

Adao
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Sur l'écran noir de mes nuits blanches... 2019 et C'était bien, 2019

Créée

le 8 août 2019

Critique lue 208 fois

Adao

Écrit par

Critique lue 208 fois

D'autres avis sur Midsommar

Midsommar
trineor
9

Le sacre de l'été

Le plus immédiatement troublant devant Midsommar, c'est sans doute – comme à peu près tout le monde l'aura relevé – de se retrouver face à une œuvre horrifique toute faite d'été, de ciel bleu, de...

le 3 août 2019

207 j'aime

61

Midsommar
Mr_Purple
5

La secte où on n'y voyait pubien

Tout était bien parti pourtant : un prologue efficace et puissant, une mise en scène froide et chirurgicale à la Shining qui sait captiver et créer une ambiance joliment anxiogène, et la présence à...

le 1 août 2019

203 j'aime

31

Midsommar
takeshi29
9

L'horreur est-elle moins pénible au soleil ? (A peu près Charles Aznavour)

En introduction disons-le tout net, je ne fais pas partie de ceux qui attendaient ce "Midsommar" conquis d'avance, n'étant absolument pas un adorateur du déjà culte "Hérédité", dont la mise en place...

le 1 août 2019

90 j'aime

32

Du même critique

Inexorable
Adao
9

De l'amour à la mort, ou les fantômes du passé

Inexorable est le 7e long-métrage du réalisateur belge Fabrice du Welz, connu pour ses films de genre Calvaire (2004), son thriller Vinyan (2008) ou son film hollywoodien Message from the King...

Par

le 10 mars 2022

23 j'aime

Un pays qui se tient sage
Adao
8

History of a violence

Journaliste, David Dufresne a travaillé à Libération dans la presse écrite ou encore dans la chaîne d’information en continu I-Télé. Il a collaboré avec le site internet Mediapart. Auteur de...

Par

le 16 sept. 2020

20 j'aime

1

La Dernière Vie de Simon
Adao
6

Si E.T était breton

La Dernière Vie de Simon montre dès sa scène d’introduction tout son potentiel et ses influences : elles ne sont pas dans la Bretagne lumineuse qui sert de décor à l’intrigue de Léo Karmann et...

Par

le 27 janv. 2020

18 j'aime