David Fincher est un grand. Présent depuis 20 ans dans le paysage cinématographique, il a imposé son style et une maitrise parfaite de la mise en scène. Une filmographie exemplaire, qui ne souffre d'aucune casserole, une adaptabilité digne d'un Zemeckis ou même d'un Spielberg, et un attrait certain pour les nouvelles technologies et les défis. Capable de réaliser l'irréalisable, allié de scénaristes brillants il devient inarrêtable. Il le prouvait l'an dernier avec son Social Network, remarquable. Il le démontre à nouveau en signant ce premier volet du tryptique suédois de Stieg Larsson.

Millénium, c'est le nom du petit journal local dont l'éditeur n'est autre que Daniel Craig, journaliste fouille-merde, investigateur consciencieux. La jeune fille dénudée sur l'affiche, c'est Rooney Mara. Ex petite copine du créateur de Facebook, elle a adopté ici un look moins « passe-partout », et désormais, c'est elle le petit génie. Dotée de capacités d'analyses hors pair, elle secondera James Bond dans son enquête, à la recherche de ces hommes qui n'aimaient pas les femmes.

Adapté du premier tome de la saga romanesque éponyme, Millénium se regarde comme se lit un livre. Un bon livre. On connaît et reconnait le style de l'auteur. Dès les premières lignes, on est absorbé par cette écriture familière que l'on aime à redécouvrir. L'auteur s'attèle à nous présenter ses deux protagonistes, séparément, avec minutie. Des personnages liés par un mince fil conducteur qui les réunira plus tard. Et, comme tout bon livre, on ne le refermera qu'une fois arrivé au dernier point de la dernière page. C'est long. Pourtant, imperturbable, jamais l'ennui ni la fatigue ne viennent interrompre cette lecture passionnée.

Fincher a une confiance aveugle en son histoire. Distillant les passages les plus éloquents du bouquin, il livre une mise en scène sans fioriture. Fluide, une caméra toujours en mouvement qui se fige lorsque les acteurs prennent la parole, et s'oublie totalement. Une réalisation sublimée par la photographie de Jeff Cronenweth, déjà à l'œuvre sur Social Network (dont on retient notamment la scène d'aviron en Tilt Shift, magnifique et innatendue) et Fight Club. Mais si l'on doit beaucoup à Fincher, les acteurs n'en déméritent pas.

Car la grosse révélation du film se cache derrière une silhouette frêle, celle de Rooney Mara. Magnifiée par la caméra, malgré ses piercings, tatouages et coiffures improbables, elle garde une beauté charmeuse, à laquelle ni Daniel Craig, ni le spectateur ne saura résister. Découverte en ouverture de Social Network, la prestation de la jeune fille, certes courte, avait marqué les esprits. Notamment celui de Fincher, qui a l'audace de lui confier son premier grand rôle, celui de cette fille au tatouage Dragon. Une audace bien récompensée. L'actrice fait preuve d'une énergie palpable, s'abandonnant à une interprétation qui crie à l'oscar.

Si le réalisateur est passé maitre en matière de mise en scène (mais ne l'a-t-il pas toujours été ?), il n'en oublie donc pas la direction d'acteurs. Et il peut se vanter d'avoir su poser une émotion variable sur le visage bourru de Daniel Craig, relativement "mono-expressif" à l'accoutumé. Fincher façonne ses personnages, complexes, à première vue très différents, mais dont l'union résonne comme une évidence, et apporte par la même cette chaleur exquise qui anime un scénario très froid.

Une fois de plus, Fincher confirme ses talents de metteur en scène. Un scénario béton entre les mains, il délivre une excellente adaptation d'une œuvre qu'il s'approprie avec maestra. Évoluant dans une atmosphère froide et tendue, il insuffle la vie au récit. Pas de défi technique ici, pas de narrateur, pas d'allers-retours dans le temps, la simplicité comme seule difficulté. Le cinéaste réalise un film sans artifice, laissant libre cours au talent tout frais d'une actrice époustouflante. Une expérience éprouvante. Une œuvre qui s'ajoute au parcours sans faute d'un réalisateur d'exception.
Cinexclu
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le 24 janv. 2012

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