Echec peut être, mais véritable film quand même
Assez impatient de voir ce nouveau film de David Fincher, j'ai un avis assez mitigé sur le résultat. Il faut déjà savoir que sur la trilogie Millenium, je n'ai véritablement apprécié que le premier volume, que j'ai aussi vu dans la première version cinématographique et également lu en BD. Bizarrement à chaque fois le résultat est le même, je ne suis que peu satisfait de l'adaptation, rien ne touchant le talent personnel de Larsson. En effet le roman m'apparaît comme difficilement traduisible en un film. Une sérié télé collerait d'avantage avec cette ambiance.
Je m'explique, la foule de protagoniste ainsi que la longue liste de liens qu'ils entretiennent, que l'on se doit de connaître et comprendre, ne peut être que diminué dans un « si petit format », certes 2h30 c'est long, mais au final, c'est bien peu de chose par rapport au 4 heures qui seraient amplement nécessaire pour parfaitement comprendre l'histoire. Je me permet de noter ici que Fincher nous offre cependant l'étonnante possibilité de ne pas nous ennuyer. Sur 150 minutes c'est chose rare que de captiver ainsi le spectateur et je tenais à saluer le talent du maître même si au final je n'ai pas non plus fondu pour ce film.
Je vous disais que c'était dur de traduire l'oeuvre dans ce format. En effet, il est nécessaire de couper certains passages du scénario (à ce propos, je n'ai pas lu le livre depuis quelques années déjà et ma mémoire me fait défaut mais je crois bien que de grosses libertés ont été prises) afin de rendre celui-ci plus facile d'accès. Malheureusement en contre-partie on perd toute la complexité des personnages et de l'histoire. Je pense notamment à Mikael qui est dans le livre, une personne à la vie sexuelle assez libérée, cet élément apparaît moins dans le film, pour pas dire qu'il est quasiment inexistant, sa relation si spéciale avec Erika est ainsi mise à la trappe, ou du moins elle est très radicalement diminuée. Il apparaît que la scène finale est bien plus difficile à comprendre. Pour des raisons de cohésion avec la suite que Fincher souhaite réaliser il a fait le choix de respecter la fin du roman, cependant, à titre personnel et vu le traitement du film elle n'aurait pas dû avoir lieu et Lisbeth aurait du avoir un « happy end ».
Je vais éviter le spoiler mais il faut savoir que tout le long du scénario nous voyons que Fincher est véritablement tombé sous le charme de Lisbeth Salander (révélant au grand public une magnifique Rooney Mara). Elle répond à tout ce qu'il aime : anti-conformiste, avec du mal avec les autres, elle se défend de manière violente tout en ayant un sens très personnel de ce qui est juste. Pour Fincher, c'est le genre de personnage génial qu'il adore traiter. Le titre du film même souligne l'importance du personnage et que pour Fincher, il s'agit de l’héroïne. Dans le roman, cet état de fait est moins puissant et j'ai toujours préféré Mikael Blomkvist. Lisbeth est belle, envoutante, et la grande majorité des scènes qui m'ont marqué sont avec elles.
Pourtant il serait mal venu de critiquer les autres acteurs. La majorité offre un travail de qualité, digne de ce que l'on peut d'attendre d'un film avec Fincher. Le psy de Lisbeth m'a beaucoup marqué, évitant le ridicule que lui a donné son adaptation en BD. Cependant il souffre d'un scénario trop rapide sur ce personnage (paradoxale non?) qui le rend un poil stéréotypé et peu compréhensive. J'adore l'idée que ce personnage puisse vraiment voir en Lisbeth quelqu'un de dangereux, cela n'est pas assez souligné dans le film il me semble.
Et puis, il faut le dire, il y a Daniel Craig ! Personnellement j'étais un peu inquiet de voir James Bond dans le rôle d'un journaliste d'investigation. Finalement il est assez bluffant car étant très éloigné de ses rôles habituels, il offre également une interprétation toute nouvelle. C'est donc une belle preuve que Craig est un bon acteur. Malgré tout, un homme plus vieux aurait été préférable, sans tomber dans le stéréotype d'un Clowney, on aurait pu espérer voir un autre acteur.
Finalement le seul bémol est Stellan Skarsgard, dans le rôle de Martin Vanger, qui m'a passablement déçu dans quelques scènes. Ne montrant pas toute la force du personnage qu'il habitait je regrette sincèrement que cela n'ait pas été plus creusé, ce rôle aurait pu avoir une très très grande force.
Je vais revenir sur le problème d'adapter ce roman. Un gros soucis est dans la narration. Pendant la moitié du film, Lisbeth et Mikael vivent chacun une histoire séparée avant de se trouver et s'unir pour le reste du film (et du roman aussi). Dans le roman, c'est simple et fluide, on bascule de chapitre en chapitre. Malheureusement pour le film c'est de scène en scène. Or, il serait faire preuve de présemption que de penser qu'une scène est interchangeable à un chapitre. Le lecteur/spectateur n'a pas le même ressenti, il ne reconfigure pas de la même façon son sens de lecteur/spectateur afin de se dire « on change de point de vue ». C'est subtil certes, mais si les changements incessants peuvent choquer le spectateur et non le lecteur c'est que justement la transition est aisé pour le lecteur (qui a une page blanche et un numéros de chapitre, bref un « temps pour souffler et se reconfigurer ») et non pour le spectateur (qui a à peine 1 seconde de transition). Cette petite note de ma part pourrai me pousser à m'intéresser plus longuement au lien qu'entretiennent la narration cinématique et littéraire.
Vous l'aurez compris, pendant une part du film, même si les deux histoires sont intéressantes et séduisent le spectateur, le changement incessant de narration peut vite freiner le visionnage. Surtout qu'on a bien du mal à se placer, on a du mal à comprendre, les deux histoires n'ayant pas le même rythme et pas forcément les même temps forts. Je ne peux en vouloir à Fincher, car cela vient de la manière même dont l’œuvre a été écrite, mais c'est une preuve de la difficulté de passer d'un média à l'autre.
Je me permet maintenant de passer à l'aspect technique. L'image est sobre, pas trop mal. Fincher n'a que rarement été un grand amateur de la photographie, il préfère de loin les scénarios et leurs mises en place. Ce film reste dans cette lignée en n'étant que moyennement beau à voir. Attention ce n'est pas laid, mais il n'y a pas un traitement exceptionnel à l'image. Sauf pour le générique de début. Magnifique à souhait. Il faut dire que la musique aide bien, avec une reprise de Immigrant Song de Led Zeppelin.
Le son est d'ailleurs juste génial. Trent Reznor est vraiment un artiste formidable et ses capacités musicales ne sont pas à exposer. J'ai rarement entendu une bande son aussi bonne et aussi cohérente pour un film dans un univers réaliste. Vraiment excellente, de l'ambiossage de qualité, des morceaux vraiment agréables. Tout un univers sonore de qualité qui séduit grandement le spectateur. On rira même du clin d’œil de voir un geek avec un t-shirt Nine Inch Nail.
Comme pour l'image, la caméra n'est pas non plus folle. Je me suis quand même étonné à voir quelques plans très agréables, quelques scènes tournées de manière très jolies. Le tout reste quand même bon. Mais ce n'est pas un travail de la technique chez Fincher, le scénario est roi. C'est d'autant plus surprenant quand on a un cadrage ou deux qui sont juste superbes. Ca surprend et on apprécie l'effort.
Au final, bien que intéressant et bien tourné, le film n'arrive pas à séduire outre mesure. Certes on passe un agréable moment mais pas exceptionnel. Le propos du film n'est pas assez transcendant pour marquer et à part la bande-son je ne vois rien d'exceptionnelle. La trame narrative est le gros soucis, rendant le film parfois un peu mou. Je met donc la moyenne, car c'est un Fincher, donc un vrai film, je le note donc avec une sévérité propre à un vrai film. Il est largement supérieure à un film X ou Y sorti à l'été pour occupé une bande de jeune en manque de sensation forte. Non là on a du vrai cinéma, mais, malheureusement, pas ce qu'il y a de mieux.