Millénium - Les hommes qui n'aimaient pas les femmes par Charles Dubois
Etonnant détour que prend Fincher depuis Benjamin Button. Plus esthétique, plus soigné, le réalisateur que l'on ne nomme plus réalise des films parfaits. Trop parfaits.
Glacés comme la Suède.
Le générique, comme toujours chez Fincher, est d'une puissante incontestable et reste le meilleur moment du film. Remix alambiqué des Led Zeppelin, animations à la James Bond, c'est automatiquement culte.
Comme d'habitude chez Fincher, l'image est impeccable. A la manière d'un Darius Khondji, le directeur de la photographie nous produit des images esthétiquement parfaites, aux plans larges qui permettent des focalisations hors normes, des mouvements alambiqués... Fincher se contente plutôt de plans simples, figés, qui certes ont leur poids et véhiculent comme jamais énormément d'idées (notamment dans les scènes de viol qui sont parfaitement maîtrisées) mais alourdissent et ralentissent le tout. Seul le montage, nerveux, permet un rythme constant.
Pourtant ce nouveau Fincher, avec ses longs films appliqués, déroute. Tout ceci est trop sage, trop propre, trop "clean", trop bien rangé... Où est donc passé le réalisateur des immondes Seven et Fight Club ? En troquant les quartiers pluvieux et les caves de bar pour le froid Suédois et des maisons d'architecte millionnaire, Fincher choisit un esthétisme d'une propreté indéniable au détriment d'une ironie mordante et d'une violence qu'on aimait.
Les acteurs sont excellents, spécialement Rooney Mara qui, malgré son joli minois et son physique frêle, réussit à habiter ce personnage trouble et violent, au look si reconnaissable.
Dans les scènes de violence, Fincher excelle, repoussant les limites du sadisme. Mais dans les scènes d'enquête, c'est à dire 90% du film, on s'ennuie très vite, la faute à un rythme lent, à peine progressif qui s'éternise terriblement pour on ne sait quelques raisons. L'angoisse est mal gérée et on a du mal à réellement la sentir (là où un Zodiac parvenait à nous faire trembler de la tête aux pieds), de par des mouvements millimétrés, ultra calculés pour la perfection d'un plan, au risque de gâcher le naturel et l'impulsif. A l'instinct, le réalisateur préfère le réfléchi.
Mais là où je trouve un gros bémol, c'est dans la musique, celle de ses maintenant inséparables Trent Reznor et Atticus Ross. Aussi géniale soit-elle, dans le film elle ne passe pas. Véritablement insupportable par son omniprésente pesante, elle réussi à gâcher de belles scènes d'angoisse et annihile tout effet de surprise avec ses notes dissonantes et ses mélodies électronisées ironiques ou naïve. Sous des allures discrète, elle envahit entièrement l'espace vital du film et l’étouffe sous une pile de sons qui donnent véritablement la migraine. Le tout servit par une ambiance sonore insupportable ; aucune scène n'est épargnée de bruits en tous genres, que ce soit une sirène, un aspirateur, un chat, une télévision...
Le film se perd enfin dans un final inutile et terriblement long. Pour se clore sur une jolie scène de fin, touchante, donnant une autre dimension à ce personnage mystérieux qu'est Lizbeth, mais ne trouvant pas sa place dans ce film insensible et froid.
On retiendra de ce film des acteurs formidables, une photographie parfaite, aux plans tous millimétrés, et une violence superbe.