Millennium actress est un trésor qui se mérite. L’impétrant impatient ou réticent se fera violence pour se couler dans l’histoire de Satoshi Kon. À l’image du théâtre de Shakespeare, sa romance enchevêtre allègrement histoire du Japon, mélodrame, fantastique et burlesque. Le résultat est beau, d’autant plus, qu’un budget plus conséquent autorise maître Kon à nous offrir une animation de meilleure qualité que celle du terrifiant Perfect Blue.
Célèbre actrice japonaise septuagénaire retirée depuis trente ans des plateaux, Chiyoko Fujiwara accorde une interview. Accompagné de son cadreur, le journaliste, amoureux transi de la star, est venu lui rendre une clef d’or, dérobée jadis sur un tournage. Chiyoko se raconte, mais, très vite, le fil de son récit se dérobe, sa mémoire chancelle, mêlant passé et présent, réalité et fiction, films et songes, images et tableaux. Le scénario se fait diabolique, jouant avec nos perceptions, puis fantastique, les deux reporters intégrant, à leur sidération, les extraits de film. Si le technicien se cramponne à son scepticisme et à sa caméra, son compagnon se mue en chevalier servant, désireux d’offrir sa vie pour sa belle.
Adolescente, Chiyoko a sauvé la vie d’un fugitif, qui lui a promis de revenir. Il lui laissa, en dépôt, la fameuse clef. Fascinée par celui qu’elle découvrira être un opposant politique, Elle lui a voué son existence. Vingt années durant, sans répit, elle l’a cherché. Son récit s’accélère, elle court, trébuche, gémit, pleure, reprend courage, chancelle et court encore. Le visage du jeune homme s’estompe, s’échappe, disparaît… De lui, elle ne conserve qu’une ombre, l’image d’un chapeau sombre et d’une écharpe pourpre. Par un curieux concours de circonstances, cette infortunée et secrète passion lui apportée la gloire et la jalousie. C’est le Japon, à l’unisson, qui pleura avec son idole, si belle et si sincère dans ses rôles d’amoureuse éperdue.
La fin décevra les âmes insensibles aux charmes des bleuettes. Longtemps encore, tous les autres sangloteront. Bienheureux les cœurs purs.
PS : L'univers, inachevé, de Satoshi Kon