Pocketful of Miracles

Le titre français "milliardaire pour un jour" n'est pas génial mais passe encore. J'aime mieux le titre original "pocketful of miracles" qui a bien plus de sens car il sous-entend l'idée de générosité.
Ce film est le remake en couleur et un peu plus développé de "Lady for a day" réalisé en 1933. C'est aussi le film qui clôt la magnifique carrière de ce cinéaste hollywoodien.

Comme toujours chez Capra, le spectateur doit prendre l'histoire au premier degré et se laisser bercer par un monde idyllique, de rêve où les bandits peuvent aussi avoir une âme, où les bourgeois peuvent être capables de descendre de leur piédestal et comprendre et où les pauvres peuvent voir des rêves inaccessibles se réaliser.
Je dis toujours qu'il faut prévoir de regarder un film de Capra le jour où on a décidé de se pendre. Il est possible qu'on découvre alors qu'il y ait encore quelque chose d'utile à faire dans ce monde de brutes.
On est dans le pur fantasme, dans le conte mais, de temps en temps, ça peut faire du bien.

Le scénario raconte l'élan de solidarité qui nait dans les bas-fonds de New York pour sauver la mise d'une clocharde (un peu) poivrote, vendeuse de pommes, Apple Anny (ou Annie dans la VF) qui a toujours fait croire à sa fille élevée en Espagne qu'elle était une grande dame riche. Or sa fille annonce justement qu'elle vient lui présenter son fiancé, un grand d'Espagne...

Capra a situé l'action dans les années 1930, pendant la Grande Dépression, peut-être plus crédible que dans les années 1960. Je pense toutefois que ce type d'histoire est assez intemporelle. Le film mélange avec un talent certain les scènes dites d'émotion avec les scènes comiques. Certaines scènes sont carrément hilarantes comme celles où les truands apprennent à faire le baise-main et des révérences.

Le casting est tout-à-fait excellent.
D'abord l'héroïne, Apple Anny est interprétée par Bette Davis, ici actrice immense et très émouvante dans ses deux rôles de composition, où elle ne surjoue pas du tout ; l'idée sous-jacente de Capra dans la définition du personnage est intéressante car même dans sa "position" de clocharde poivrote, elle reste utile à la société puisqu'avec ses pommes, elle sert de talisman au Dude (le Gandin dans la VF).

Glenn Ford joue le Dude, un joueur invétéré, un petit gangster local des bas-fonds de New York dont les affaires vont et viennent (grâce à son porte chance et à ses belles pommes très rouges). C'est un être cynique toujours prêt à tout pour augmenter son influence ou prendre de la monnaie. Mais c'est un être cynique au cœur d'or. Si on sait bien le prendre, on peut tout obtenir de lui. Ce sera le rôle de Queeny qui fut jadis renflouée par lui et qui lui fera faire fortune.

Queeny est jouée par Hope Lange. Le personnage est très beau car c'est elle au fond qui ressent une immense empathie pour Anny et qui s'acharnera à convaincre le Dude d'ouvrir son cœur (et sa poche). Je n'ai vu Hope Lange qu'une autre fois au cinéma, c'est dans "the Young Lions" de Dmytryk où elle joue le rôle de Hope la fiancée et future épouse de Noah Ackerman. Dans ces deux films, elle est excellente.

Un autre acteur mérite d'être mentionné, c'est Peter Falk qui est l'adjoint du personnage du Dude. Son rôle à lui est d'être l'empêcheur de tourner en rond du Dude ; il n'en a rien à fiche d'Anny et de la superstition du Dude avec les pommes d'Anny, tout ce qu'il voit c'est que son chef est en train de perdre des affaires avec la pègre locale concurrente. Son rôle est plutôt dans un registre comique. Mais comme il est obéissant, il n'hésitera pas à donner le coup de main nécessaire pour faire avancer l'histoire d'Anny.

Au final, "milliardaire pour un jour" est un très bon film même s'il est en léger retrait (pour mon goût) par rapport à certains autres films de Franck Capra.