Quelques notes de piano en ouverture, et le dîner réchauffé est servi.
On sait d'emblée, que quelques minutes seulement (puis les deux heures suivantes) ne feront que confirmer, que Clint Eastwood, pleinement maître avec ce film de son art, réalise ici une nouvelle (et loin d'être la dernière) fois le même film, encore et encore.
Clint en héros sacrificiel, toujours filmé comme une apparition biblique, dans un clair obscur trop beau pour être vrai, accompagné de Morgan Freeman en voix-off, compagnon taiseux de toujours, tous deux vieux bourrus cyniques et fermés qui finalement s'ouvrent à la différence (ici, une femme au milieu de ce sport viril qu'est la boxe), se laissent entraîner par l'amitié, le respect, et enfin l'amour (dans une relation père-fille presque œdipienne convenue). En toile de fond, on jonglera avec les thèmes récurrents du cinéaste, soit une haine pour les vrais cons (les tricheurs - la championne - , les aveugles - le prêtre -, les profiteurs - la famille de l'héroïne -), une soif de justice et un esprit de vengeance pour aider les faibles, si seulement ceux-ci veulent vraiment s'en sortir, s'en donnent les pleins pouvoirs, démontrent qu'ils ont la niaque. On moquera donc une religion qui s'abandonne béate au destin (un dieu contre la volonté duquel on ne peut agir) mais on vantera la vraie foi qui donne des forces, et on se désintéressera des faibles qui baissent les bras pour à nouveau prôner les vraies valeurs du dépassement de soi et de la résistance à l'épreuve (face à l'effort, la douleur, la mort).
La mélodie Eastwoodienne est bien rodée, et tourne en boucle sans s'arrêter, pour (presque) toujours être acclamée.
Certes la partie centrale, vraiment focalisée sur la boxe, est admirable, filmée avec vivacité et humour. Certes la malice dans le regard pétillant d'un Eastwood qu'on aime détester vaut le détour. Certes Morgan Freeman, en éternel second rôle de sage à distance, au regard, lui, humide, est souvent émouvante. Certes la performance à l'américaine d'Hilary Swank est incroyable (passant de taureau sauvage débordante d'énergie à corps inerte bloqué).
Mais il est impossible de ne pas s'ennuyer et être déçu face à la dernière partie qui s'éternise en émotion lacrymale forcée, un type d'émotion douloureuse mais silencieuse, toute en courage et retenue, ponctuées de grandes phrases chuchotées et faussement définitives. Une émotion propre à son auteur, Clint Eastwood, un américain du XXème siècle, qui peut donc toucher en plein cœur comme rater totalement sa cible, celle d'un artiste qu'on adule lorsqu'il se pare d'une puissante rédemption, lorsqu'il s'autocongratule à longueur de films de son ouverture d'esprit (toute relative) et que l'on récompense généreusement pour cela.
Un peu trop simple.