Minority report, que j'avais vu au cinéma lors de sa sortie, ne m'avait pas laissé un souvenir impérissable. Revu plus tard, j'avais été nettement plus convaincu. Un troisième visionnage en famille, où il a été peu apprécié par ailleurs par ceux qui ne le connaissaient pas, m'a posé question. Minority report, bon film ou esbrouffe?
Le sujet, c'est la nouvelle de Dick : des mutants appelés les précogs se souviennent des crimes avant qu'ils n'aient lieu, donnant naissance à une institution, Précrime, chargé d'arrêter ces criminels qui ne sont pas encore passés à l'acte. Lorsque le capitaine Anderton est l'objet à son tour d'une prévision des précogs, c'est tout naturellement qu'il va, convaincu de n'être pas un meurtrier, chercher à prouver son innocence.
Minority report inverse donc la célèbre maxime de la justice : pour précrime, on est coupable tant qu'on n'a pas prouvé son innocence! On voit quel sujet de société porte le film, et lorsqu'on entend fréquemment des paroles comme : "celui-là il mériterait d'être en prison" ou "moi, je fais la moitié des choses qu'a fait ce gars-là, ce serait la prison direct", on se dit que Minority report reste tout à fait actuel et intemporel. Lorsqu'on est confronté à une œuvre d'anticipation, ce qui compte n'est pas tant de chercher si la vision du futur était pertinente, que de retrouver des thèmes actuels développés jusqu'à leur paroxysme, comme une démonstration par l'absurde. Cela, Spielberg le fait très bien.
Le début est brillant, mettant en parallèle Tom Cruise fouillant les souvenirs non advenus des précogs puis ressassant chez lui ceux de son fils disparus. Dans les deux cas des souvenirs d'un crime, ancien ou futur. Dans les deux cas, les paroles des précogs ou de Tom Cruise précédant celles du souvenir. Dès lors, on comprend d'entrée de jeu les motivations du personnage principal. Et si le trait est appuyé au forceps, c'est qu'il servira au développement de l'intrigue.
La deuxième partie du film est particulièrement brillante, posant les bases d'un solide thriller d'action. La résolution en forme de happy end ne colle pas à l'univers Dickien, mais pour le reste, Minority report fait solidement son travail d'adaptation.
En revanche, les effets spéciaux ont mal vieillis, et notamment les lumières bleues pour donner un côté futuriste, c'est particulièrement moche. Les scènes en voiture aussi, ça ne fonctionne pas trop. C'est le problème des films reposant trop sur le numérique et les effets spéciaux, ils vieillissent mal. C'est donc dans son aspect futuriste que Minority report -malgré des intuitions indéniables, les pubs personnalisées par exemple -, convainc le moins. On en préfèrera donc l'aspect humain, porté surtout par un Max Von Sydow qui, en tant que fondateur de Precrime, joue toujours aux échecs avec la mort.