On commençait presque à s'inquiéter... Alors que le grand Woody Allen venait de signer l'un de ses plus mauvais films (« Vous allez rencontrer un sombre et bel inconnu »), voilà que celui-ci débarque (enfin!) à Paris avec pour bagages une bande-annonce toute moisie et la présence honteuse de Carla Bruni au casting. Je n'en voudrais d'ailleurs jamais assez au cinéaste New Yorkais de nous avoir imposé la présence de la Première Dame de France quand tant d'autres actrices professionnelles auraient été aussi bien voire largement meilleures, mais passons. Le début n'est hélas pas pour me rassurer tant Allen semble jouer au touriste de base en nous sortant des cartes postales de la capitale, certes jolies, mais surtout très clichées. Et immédiatement derrière, ca part. Ouf! La nouvelle est d'autant meilleure que le plaisir ne va plus nous lâcher un seul instant, le réalisateur nous offrant l'un des plus intelligents, inventifs et ingénieux scénarii vus depuis longtemps. Quel bonheur en effet de pouvoir, grâce à la seule magie du cinéma, se balader au côté du héros dans le Paris des années 20, et y rencontrer des personnalités aussi fascinantes que Picasso, les époux Fitzgerald, Dali, Toulouse-Lautrec ainsi que bien d'autres. Il est rare de voir la nostalgie d'une époque décrite avec autant de grâce, d'intelligence, tout simplement de talent... Le retour au monde contemporain est d'ailleurs à chaque fois difficile pour Gil, manifestement beaucoup plus à l'aise au milieu des expressionnistes qu'aux côtés de sa très jolie petite amie (normal, c'est Rachel McAdams) et des parents de cette dernière... Mais l'artiste ne tombe pas dans le manichéisme, expliquant avec finesse que cette impression de ne pas appartenir à la bonne époque n'est qu'un leurre, et que les hommes de tous temps l'ont ressenti à un moment de leur vie. Allen n'en garde pas moins un sens inné des dialogues et des situations, le tout soutenu par un Owen Wilson très à l'aise dans l'univers du Maître, s'imposant presque comme le remplaçant naturel du personnage qu'avait crée ce dernier dans des chefs d'oeuvres tels « Annie Hall » ou « Manhattan ». Bref, il est peu dire que Woody nous rassure de la plus belle des manières en signant ce petit bijou de fantaisie et d'élégance : on le remercie du fond du coeur.