La rupture est totale entre Le voleur de bicyclette et Miracle à Milan. En l'espace de trois ans, Vittorio De Sica, bien que toujours fidèle à son scénariste fétiche Cesare Zavattini, délaisse le pessimisme cru du néoréalisme pour offrir aux Italiens une bouffée d'air frais cinématographique. Le contexte social, marqué par le fort clivage riches / pauvres, reste bien présent. Mais cette fois-ci, l'accroche "C'era une volta" fait prélude à un véritable conte pour enfants (et grands enfants).


L'introduction, remarquable, réussit en quelques minutes à planter le décor et à préfigurer le destin de notre héros Toto. Parachuté à sa sortie de l'orphelinat dans un Milan aussi fantomatique que sublime, le voilà qui se métamorphose en rayon de soleil et ramène un peu de chaleur et de joie de vivre dans les bidonvilles de la banlieue milanaise.


Et c'est parti pour une bonne heure de satire gentillette tournant en ridicule les privilégiés et célébrant le bonheur de ceux qui se contentent de peu. D'une légèreté à toute épreuve, De Sica s'amuse sur un fil, en équilibre précaire entre optimisme réjouissant, caricature facile et ingénuité agaçante. Autant le dire tout de suite, il faut être d'humeur, sans quoi le sourire benêt de Toto va vite vous faire souhaiter que le film soit converti en 3D pour que vous puissiez lui claquer une bonne torgnole virtuelle entre les incisives. Cela dit, d'abord calmez-vous un peu espèce de psychopathe forcené, et ensuite il faut reconnaître au film, dans son auguste candeur, le mérite d'un humour italo-chaplinesque qui fait souvent mouche. Surtout, l'incursion progressive dans le fantastique donne lieu à de très beaux moments de poésie.


Par ailleurs, en dépit des apparences, Miracle à Milan n'est pas le film chrétien qu'il semble être. Certes il est pétri de valeurs humanistes, et toute la symbolique autour des anges et de la colombe a de quoi filer une nausée précoce. Mais Toto pointe plus vers la figure du bon génie - et donc vers les codes du conte de fées - que vers l'allégorie christique. La preuve en est qu'il prend un plaisir non dissimulé à humilier le pauvre bougre qui les a vendus au riche promoteur, et qu'il ne reproche à aucun moment à ses compères la superficialité consumériste de leurs souhaits, alors que ces hypocrites chantent à longueur de journée qu'ils n'ont besoin que d'une cabane pour vivre...


Très inégal, Miracle à Milan vaut donc le détour pour son audace à proposer quelque chose de différent. Evidemment, De Sica n'atteint pas les sommets tutoyés trois ans plus tôt avec son terrible chef d'oeuvre. Mais ce film a de la beauté, de l'inventivité et de la malice à revendre, et peut constituer une très bonne introduction au cinéma italien pour vos chers bambins.

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le 5 avr. 2017

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