Les allégories bibliques très explicites de la dernière partie (la mer de fumée qui s'ouvre, la visite spectrale, la montée au ciel), ont vieilli, ce que tentera de renouveler Alice Rohrwacher dans "Heureux comme Lazzaro". Une des grandes qualités du film est d'éviter tout manichéisme, en ce sens que les gueux (les anges auxiliaires de la maman également, prêts à chouraver une poule au passage !), révèlent immédiatement les mêmes travers que les capitalistes (individualisme, cupidité, fascination pour l'apparat...). Sur ce point, on se rapproche de "Viridiana" (Bunuel), et par là-même de son admirateur actuel, Ruben Ostlund (cf. "Sans filtre"). Ces réserves mises de côté, le film conserve toute sa fraicheur, et sa pure émotion humaniste. Quantité de scènes anthologiques vraiment formidables, comme la première arrivée des hommes d'affaires dépliant la carte en plan général muet et leurs aboiements (très chaplinesque !), le bref rayon de soleil en plein hiver qui se déplace, le p'ti père famélique qui s'envole,les jets d'eau qui ravitaillent les habitants d'un coup de canne au sol (Tati a dû apprécier !), les diseurs de bonne aventure qui répètent à l'identique les mêmes compliments, la statue qui enchante la place lors d'une danse...Etonnant amour traité avec tendre dérision (voeu permutant les colorations) mettant en scène un couple "mixte", audace faisant nettement date, si ce n'est pionnière. Magnifique film, dévoilant avec légèreté l'égoïsme de l'être humain, fragilité qui fait toute sa grandeur !
7,5/10