L'élégance de la moustache - Critique sans spoiler

La collaboration MCQuarrie / Cruise est à mes yeux l'une des plus importantes pour le cinéma d'action contemporain et je dois bien avouer que le film ne m'a pas conduit à réviser mon jugement.


Tout d'abord c'est un véritable plaisir de retrouver la totalité des personnages du précédent film avec cette excellente alchimie qui s'est développée entre eux.
Le film laisse toujours la part belle à l'expression de la complémentarité et la complicité des membres de l'équipe, tout en accueillant un petit nouveau avec Henry Cavill, superbe contrepoint dans l'improvisation du quatuor d'ores et déjà connu. L'un des principaux enjeux de Fallout était d'enfin découvrir si ne pas raser la moustache de notre beau Henry en valait la peine : OUI, tant pis pour cet étron cosmique qu'est Justice League.
En revanche, je regretterais presque l'absence de Jérémy Renner que McQuarrie voulait dégager définitivement de la franchise avec Fallout. Dommage, c'était le seul moyen de s'assurer de ne plus l'y revoir.


Du point de vue de la réalisation, il faut se rendre à l'évidence : Mission Impossible - Fallout fait preuve d'une maîtrise folle. J'attendais McQuarrie au tournant suite à Rogue Nation mais là il dépasse sans problème toutes mes attentes.
C'est proprement maboulissime, du bonheur en péloche qui vient s'incruster directement sur mes rétines de junkie. Qu'il s'agisse du Halo jump, du pugilat dans les gogues du Grand Palais, ou de l'ahurissante et interminable course poursuite à tombeaux ouverts au milieu d'une circulation parisienne particulièrement dense, McQuarrie distribue des volées de gifles proprement hallucinantes.
Bien entendu, MIF n'en reste pas moins un film entièrement construit pour déifier Tom Cruise et personnellement ça peut m'agacer autant que me fasciner.
Chaque plan met en valeur l'implication extrémiste d'un dément de 56 ans qui se pèle toutes les cascades du film au péril de sa vie.
Pour ne rien gâcher, le montage est complètement au diapason, qu'il s'agisse de restituer la frénésie de la fuite en avant des personnages et leur constante improvisation où de prendre une belle respiration avant de reprendre de plus belle.


Là où ce nouveau Mission : Impossible brille également c'est sur l'installation d'ambiance, avec bien souvent une approche géométrique architecturale pour la composition, sans oublier de remarquables jeux de lumières.
Qu'ils soient urbains ou naturels, les lieux de tournages, bourrés de couleurs, sont toujours extrêmement bien mis en valeur, que ce soit par de très belles images aériennes ou une belle participation du troisième axe.
Pour ne rien gâcher, Paris, qui concentre à elle seule 50% du film, est vraiment superbe. Il s'agit sans doute d'un des films qui la met le plus en valeur.


Malgré cette adhésion quasi-totale aux partis pris du long métrage, je dois tout de même avouer avoir moins accroché au chapitre final, ce malgré le Cachemire splendide et sauvage pris pour décors naturel
Non pas que cette fin manque d'enjeux ou d'intensité, non pas que la réalisation soit prise à défaut, mais je crois que les scènes en hélicoptères m'ennuient prodigieusement. Malgré la montée en tension continue, je dois bien avouer ne pas avoir autant été accroché à mon siège que pendant les deux heures précédentes. Dommage.


En terme d'écriture, on reste globalement sur le standard Mission : Impossible, avec en supplément le méta-commentaire de la CIA plutôt amusant. Contrairement aux précédents films, le scénario de ce Mission : Impossible s'inscrit dans la continuité du précédent, construisant ses enjeux et son développement sans oublier cette figure très "Spectre-ale" des antagonistes.
Du coup, malgré ce que ça implique de faux semblants habituels, agents doubles/triples/quadruples et trahisons multiples, j'ai beaucoup aimé le parti pris de liquider très rapidement le mystère Lark pour se consacrer pleinement à l'improvisation ininterrompue d'un mélange réussi entre film de casse et film d'espionnage. Si Rogue Nation partageait son McGuffin avec l'original du grand De Palma, Fallout s'amuse à tendre un miroir déformant, reprenant la thématique assénée à coups de marteau dans le Dark Knight de Nolan : "mourir en héros ou vivre suffisamment longtemps pour se voir endosser la peau du méchant". Une partie du scénario se consacre effectivement au retournement d'un agent, ce qui permet de dresser un parallèle amusant entre un Jim Phelps désabusé et ce vers quoi pourrait converger un Ethan Hunt en fin de carrière, 22 ans plus tard.
Petite déception cependant vis-à-vis de l'écriture d'Ilsa, excellent personnage révélé par Rogue Nation, dont le temps de présence à l'écran a été drastiquement réduit dans Fallout (Rebecca Ferguson était en pleine grossesse pendant le tournage). Elle perd à la toute fin du film, et de façon tout à fait artificielle, l'une des qualités primordiale de son personnage, à savoir ne pas être


un love interest de Hunt.


Autre reproche que je ne développerai pas outre mesure : l'impossibilité de me rappeler ne serait-ce que d'un thème de la bande son. Au-delà d'une paire de réarrangement du thème culte de Lalo Schifrin, rien ne m'a semblé surnager dans le score de Lorne Bafle. Un second visionnage permettra de lever tout soupçon d'un énième préjudice de la temp music sur le processus créatif du compositeur.


Le Mission Impossible millésime 2018 n'en demeure pas moins une très bonne suite et à mes yeux le meilleur opus de la série. Difficile de concevoir meilleurs adieux pour un Tom Cruise gravissant littéralement à main nu un second sommet de sa carrière que l'on croyait voir s'abîmer avec les frasques niaises et d'un personnage public hautement critiquable.
Peut-être serait-il judicieux pour lui de passer le relais et adopter à son tour une posture de mentor, ce qui constituerait un virage très important mais nécessaire dans la carrière de l'acteur pour qui les galipettes risquent de se réduire dramatiquement au fil des ans.


McQuarrie, véritable révélation du film, fait preuve d'une belle ambition artistique et d'un talent indéniable pour la mise en scène. On le connaissais scénariste, toujours dans l'ombre d'un réalisateur mais l'évolution de sa carrière depuis Jack Reacher est vraiment intéressante.
J'ai même cru, ivre d'adrénaline, déceler dans quelques instants de grâce, quelques bouts de John McTiernan et Michael Mann. Alors j'espère en voir davantage, et si possible dans un prochain film qui ne serait pas une production de Tom Cruise, histoire de juger sur pièce ce qu'il a dans les tripes.


J'ai subi la VF, pas honteuse malgré ses quelques légers problèmes de traduction et synchronisation et la 3D proprement anecdotique.
Si vous le pouvez, dirigez-vous plutôt vers la version originale en 2D, tant pis pour le travail remarquable de Jean-Philippe Puymartin.

YvesSignal
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le 3 août 2018

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