On ne naît pas avec la haine. On l'apprend.

Pas vu depuis de nombreuses années, cet hommage « préthume » à Alan Parker (cette ressortie au cinéma était prévue avant son décès) est une occasion idéale de redécouvrir une œuvre qui, sans atteindre la force créative des plus grands films de son auteur, demeure un bel exemple de ce qu'Hollywood était capable de faire lorsqu'il s'agit de traiter des sujets... brûlants. Je ne sais pas s'il faut parler de courage étant donné que les événements se déroulent plus de vingt ans auparavant, mais la question du racisme étant, hélas, toujours on ne peut plus d'actualité aux États-Unis (j'ai même envie d'écrire plus que jamais), mais au moins de l'importance d'en parler au plus large public possible.


Il était quasiment impossible de réaliser une œuvre proprement « subtile », ce n'est pas vraiment le cas et c'est (presque) sans importance au vu du sujet. Nos avons donc droit à une opposition gentil FBI - gentils noirs VS méchants « rednecks », où une police corrompue jusqu'aux yeux (sur ce point, on peut éventuellement parler de courage) mène joyeusement la danse d'exactions plus abjectes les unes que les autres. Le scénario est bien mené, non sans quelques facilités (le personnage de Frances McDormand est manifestement présent pour nous montrer que tout le monde, notamment les femmes, n'était pas comme ça, mais il reste, notamment par sa dimension tragique, assez touchant) et légères longueurs, mais surtout pas mal d'intensité, montrant avec beaucoup de force et de réalisme l'indicible haine de certains vis-à-vis des noirs, la violence de certaines scènes m'ayant pas mal retourné pour un film populaire.


Parker n'en fait jamais trop, sait trouver l'équilibre entre thriller « politique » et enquête policière plus classique, avec toutefois ce discours ambigu (mais très efficace, pour l'occasion) qu'il faut parfois


savoir légèrement franchir les lignes de la légalité pour obtenir des résultats,


brocardant au passage une justice totalement complaisante vis-à-vis des crimes perpétrés, semblant, là aussi, faire écho aux événements récents (l'affaire Rodney King explosera trois ans plus tard). Avec, en filigrane, un sérieux avertissement sur la manipulation des masses et les discours haineux englobés dans un patriotisme « décomplexé ».


L'excellent duo Gene Hackman - Willem Dafoe fait le reste, bien entouré par des « gueules » impeccablement incarnées (Brad Dourif, Michael Rooker, Pruitt Taylor Vince, un Stephen Tobolowsky pour l'occasion glaçant et même Tobin « Saw » Bell!). Du cinéma de qualité, démontrant le talent d'un cinéaste aussi à l'aise dans des projets plus personnels (voire expérimentaux) que des productions hollywoodiennes engagés : une réussite.

Caine78
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le 17 oct. 2017

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