Ken Loach n'est certes pas le plus grand réalisateur de l'Histoire du cinéma, mais c'est en tout cas l'un des plus attachants et l'un des plus fidèles à ses convictions humanistes depuis maintenant près de 50 ans. « Moi, Daniel Blake » ne déroge pas à la règle et dévoile un cinéaste plus combatif et révolté que jamais, ici contre le système administratif et plus généralement par la dimension très anti-sociale de la politique anglaise, constat semblant s'aggraver toujours plus au fil des années. C'est sûr, formellement ça n'est (vraiment) pas génial, mais le propos ne se prête pas non plus à de grandes audaces techniques et autres partis pris radicaux.
D'ailleurs, cela ne m'a au final jamais réellement dérangé. C'est une œuvre modeste, qui mise tout sur le fond, ce qui aurait pu être discutable si Loach n'y mettait pas autant de sincérité et d'énergie quant au message qu'il fait passer, infiniment bienveillant sur ces « petites gens » tentant désespérément de s'en sortir. Le regard est juste, profond, jamais moralisateur, l'auteur du « Vent se lève » ayant également toujours eu un don pour s'entourer d'un casting aussi inconnu que remarquable : Dave Johns et Hayley Squires sont impériaux.
On se sent ainsi toujours concerné par ces personnages joliment écrits : nous les aimons, ce qui n'est plus si souvent le cas aujourd'hui au cinéma. À défaut d'avoir une leçon de mise en scène, au moins avons-nous une leçon de courage. Voilà un réalisateur qui sait de quoi il parle, abusant un peu d'effets mélodramatiques, mais c'est Ken Loach : on ne le changera pas. Cette Palme d'Or est-elle méritée ? Sincèrement, je n'en suis pas certain. Mais qu'importe, pour une fois que l'entre-soi cannois célèbre une œuvre qui parlera à plus de 20 000 personnes, on ne va pas se plaindre : en tout cas, un film à voir.