Avec ‘Mon crime’, l’inclassable François Ozon signe une comédie opportuniste mais finalement assez drôle. Il renoue avec sa veine « artificielle » et théâtrale qu’il a développée dans des films comme ‘8 femmes’ ou ‘Peter van Kant’. Réalisé avec beaucoup de soin, le film doit à son casting qui s’en donne à cœur joie.
Dans les années 30 à Paris, Madeleine Verdier, jeune et jolie actrice sans le sou et sans talent, est accusée du meurtre d’un célèbre producteur. Aidée de sa meilleure amie Pauline, jeune avocate au chômage, elle est acquittée pour légitime défense. Commence alors une nouvelle vie, faite de gloire et de succès, jusqu’à ce que la vérité éclate au grand jour.
François Ozon s’enorgueillit dans toute la presse ainsi qu’à l’avant-première où j’ai vu le film de traiter d’un sujet d’actualité et de faire un film féministe. Une actrice a rendez-vous avec un producteur qui l’agresse chez lui. Suivez mon regard. La plaidoirie de son avocate au procès et le discours de l’actrice au procès font une part belle à l’égalité homme-femme. Mais le film est-il pour autant féministe ? Le film est assurément féminin car les femmes ont les rôles principaux et les hommes sont relégués au second plan. Ozon est un cinéaste malin, habile. Il distille suffisamment d’éléments qui font écho au féminisme actuel mais n’est jamais frontal, direct. Il est un peu ambigu, ce qui fait que le film peut plaire à tout le monde.
D’autant plus que quand on se remémore la filmographie du cinéaste français, il est permis de douter du féminisme d’Ozon et de sa filmographie. Car si ‘Potiche’ racontait l’émancipation d’une femme dans les années 70, ‘8 femmes’ n’étaient pas à la gloire de la gente féminine puisqu’elles se révélaient presque toutes monstrueuses et qu’elles poussaient l’unique homme de la maison au suicide. On pourrait également rappeler qu’Ozon a parfois complaisamment filmé la nudité féminine. Celle de Marine Vacht dans ‘Jeune et Jolie’ ou ‘L’amant double’. Alors, sincérité ou opportunisme ? Difficile de trancher, car Ozon a peut-être fait sa mue. En tout cas, on est peut-être pas loin de l’esbrouffe.
Il n’empêche que ‘Mon crime’ est une comédie de qualité. Il y a du rythme, de la malice, du mauvais esprit, un soupçon d’amoralité. On n’est clairement pas dans ‘Alibi.com 2’ où le comique reposait sur des facilités. Tout a ici été pensé, calibré à commencer par les personnages. Il y a une ancienne gloire du muet désormais oubliée et qui en fait des tonnes, un juge un brun pète-sec, un architecte à l’accent marseillais, un juge d’instruction incapable. Et puis, il y a un très bon pitch. Une femme s’accuse d’un meurtre qu’elle n’a pas commis pour s’en sortir et pour capter l’attention. Mais la vraie meurtrière, jalouse du succès immérité de la fausse accusée, se manifeste et est prête à se dénoncer pour avoir la gloire. Et puis, ce meurtre tourne la tête à toutes les femmes qui sont tentées d’assassiner leur mari. C’est une très bonne idée scénaristique, pour moi digne des comédies de Billy Wilder.
Avec ‘Mon Crime’ renoue avec sa veine théâtrale et son goût pour l’artifice déjà présents dans des films comme ‘Sitcom’ ou ‘Peter von Kant’. Ozon adapte une pièce de théâtre et joue à fond la carte de la théâtralité. Le film commence avec une ouverture de rideau. La diction est très appuyée et le jeu volontairement exagéré comme au théâtre de boulevard. Le réalisateur multiplie également les effets cinématographiques avec projection mentale des personnages et reconstitution du meurtre en noir et blanc, façon film muet. Ozon aime l’ancien, le vieux. Avec ‘Mon crime’, il est dans son élément. Le film se passe dans les années 30 et le cinéaste fait plusieurs références au cinéma de l’époque. Les deux amis vont voir ‘Mauvaise Graine’, un film avec Danielle Darrieux. Isabelle Huppert joue les Norma Desmond, comme Gloria Swanson dans ‘Boulevard du crépuscule’ de Billy Wilder. Et puis comme dans les films des années 30, il y a une vraie culture du second rôle avec de savoureux personnages, comme la gardienne gouailleuse, le greffier, l’inspecteur, la comédienne de théâtre.
Les comédiens sont pour beaucoup dans la réussite du film. Nadia Tereszkiewicz et Rebecca Marder sont délicieuses d’espièglerie. Dany Boon est assez drôle en architecte à l’accent marseillais prononcé. Fabrice Luchini est égal à lui-même. Et il y a Isabelle Huppert, royale en ancienne star du muet dont plus personne ou presque ne se souvient. Elle en fait des kilos. Il faut voir la scène hilarante au restaurant où elle engloutit une saucisse. Et puis, il y a pêlemêle Myriam Boyer, Evelyne Buyle, Daniel Prévost.
Passées mes remarques initiales quant à la sincérité d’Ozon, le film est quand même d’une très bonne facture. Les costumes, les décors sont superbes. Le scénario est très bon et les acteurs sont excellents. C’est donc un film que l’on peut conseiller à ses amis.