On n’est pas sur le film le mieux coté de Comencini, pourtant ce ne serait pas le plus mal choisi pour lui servir de pinâcle. Aussi variée que sa carrière, l’œuvre lui ressemble : le théâtre retrouve sous sa main sa vocation burlesque & pamphlétaire, & l’artiste profite de la révolution sexuelle sans jamais la laisser transparaître directement à travers la pellicule : nous sommes au début du siècle & l’homme, quoiqu’hétéroclite, n’est pas du genre à donner dans l’anachronisme.
Alors, grave mais innocent, le film exprime toute la moelle d’un jeu de scène débordant vers un débouché moderne qui n’a jamais l’air de l’être : le sous-entendu est beaucoup moins raffiné que jadis & le cinéaste en profite pour s’y engouffrer avec un paquet de clins d’œil bien peu chastes. Tantôt drame, tantôt farce, parfois cru & parfois moqueur, ici relevant de Dante & là de d’Annunzio, la comédie n’a finalement pour sujet que la sexualité d’une femme, mais elle est vue sous tellement d’angles différents que cela ne se remarque pas.
Renouveau du comique visuel, elle donne une place toute nouvelle à la sensibilité des acteurs, qui doivent considérer de rendre visibles à l’écran des liens réels (des contacts, par exemple) qui étaient jusque là livrés au charme de la suggestion & de la demi-teinte. Mais Comencini n’en perd pas pour autant en élégance : étudiant carrément l’inconfort (élément rare du tragicomique, qui a tendance à l’éluder ou à l’exagérer) sur de très beaux textes, il se coince à peine dans la personnalité de la femme en question (Laura Antonelli), trop passive & trop peu encline à évoluer (des années passent tout de même), & dans une variété de traitements qui finit par faire douter que le film a vraiment un but.
Il ne pouvait pas penser à tout, occupé qu’il était à déshabiller le cinéma puritain, le décorsageant pour le corser, établissant un érotisme spirituel qui va très loin (j’ai même envie de parler de pornographie intellectuelle) sans ravir au nu la redécouverte qu’il permet de sa finesse.
Concupiscence. Le sens de ce mot, sa préciosité, sa saveur de début d’acceptation avouée (chez les plus hautes classes), du désir comme impulsion séparée de l’amour, la lourdeur des oppressions qu’elle permettait (excusait presque) de la part de la gente masculine sur des dames qu’on se plaisait à qualifier un peu ironiquement comme représentantes du “beau sexe”, c’est la boîte de Pandore dans laquelle on peut glisser les bobines du long-métrage.
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