L'Amour ne peut pas tout

Il y avait de quoi être un minimum intrigué par ce biopic consacré à l'un des plus grands noms de la chanson française, mené par un autre chanteur lui aussi soucieux de la qualité de ses textes. En ressort un biopic convenable, qui ne se démarquera clairement pas du genre, sans pour autant avoir à rougir. Réel soin porté à l'image, au son et à une reconstitution d'honorable facture manquant un peu de grandeur (surtout dans la première partie), le film peut surtout s'appuyer sur un rythme agréable et bien mené, ces 130 minutes passant à une vitesse étonnante, au point d'être surpris de voir le générique apparaître.

Par ailleurs, moi qui connaissais assez mal le chanteur (et acteur, j'y reviendrais) en dehors de ses talents d'écriture et d'interprète, plonger dans son histoire personnelle ne pouvait être qu'un minimum instructif, que ce soit son parcours, ses amitiés, ses amours, ses drames... Intéressant, donc, à défaut d'être totalement convaincant, Grand Corps Malade et Mehdi Idir manquant d'imagination

voire de recul sur celui qui est pour eux une icône qu'il ne fallait surtout pas abîmer. Hormis son peu d'intérêt pour sa première femme et fille ou une passion pour l'écriture et la musique ayant tendance à tout dévorer autour de lui, sans oublier une dimension très « jet-set », pas question d'évoquer les sujets qui « fâchent » : évasion fiscale, engagement politique à droite (ce qui était son droit, après tout!)... Ou alors pour mettre en avant son courage lorsqu'il écrit et chante

clairement l'un des moments les plus émouvants.

Plus surprenant : le désintérêt quasi-total des réalisateurs pour sa carrière cinématographique, pourtant honorable (« Tirez sur le pianiste », « Un taxi pour Tobrouk », « Paris au mois d'août », notamment), devant représenter une minute (pour évoquer le premier cité), qui plus est assez mal intégrée dans le montage. Quant à Tahar Rahim, si j'ai eu l'impression durant toute la première partie d'avoir affaire à un biopic sur Nicolas Sarkozy tant l'intonation et le parler étaient proches, son interprétation devient beaucoup plus « authentique » par la suite, où l'on reconnaît nettement mieux le « grand Charles ». Impression mitigée pour les seconds rôles : si Bastien Bouillon séduit, je suis plus dubitatif sur Marie-Julie Baup en « môme Piaf » : rien de marquant pour le reste, si ce n'est la stupéfiante ressemblance du comédien interprétant Charles Trenet (dont je n'ai pas réussi à trouver le nom : veuillez m'en excuser!).

Une œuvre « pour les fans, par des fans » (et validée par la famille, rarement bon signe), mettant bien en valeur l'exceptionnel talent de parolier de l'artiste, généreuse en morceaux (si vous restez jusqu'au bout, vous observerez le mauvais « timing » du générique de fin, coupant violemment la dernière chanson!), plaisante, proprette, scolaire et on ne peut plus consensuel : fréquentable, à défaut d'être incontournable.