À la veille de la rafle du Vel d'Hiv', dont on suit la préparation méticuleuse et acharnée sans jamais soupçonner d'autre rapport que contextuel avec le protagoniste, Robert Klein, celui-ci est en train de s'enrichir sur le dos d'un Juif. Une transaction oppressante et humiliante, à l'issue de laquelle Klein, raccompagnant l'homme aux abois quoique digne, ramasse sur son paillasson le journal d'informations de la communauté juive. Lequel lui est bel et bien adressé.


Cette apparente méprise est le point de départ de l'enquête enfiévrée que mène Robert Klein pour prouver coûte que coûte sa non-judéité, sans avoir besoin de se faire mesurer les narines ou la cambrure de ses reins. Et en bon français, c'est auprès d'une police française bureaucratique bien trop zélée et collaborationniste, qu'il s'adresse.


Le film de Joseph Losey est machiavélique et Alain Delon, à la fois acteur et producteur, incarne son personnage avec brio. À tel point qu'il en vient à maltraiter un chien qui s'attache à lui, lui qui était si attaché aux chiens. Delon a tellement misé sur ce film qu'il en a perdu sa fortune, à l'instar de son personnage, Robert Klein, si vaniteux qu'il en oublie le sens de la vie et toute humanité.


La scène finale, terrible, m'en rappelle une autre -toutes proportions gardées : celle de Jeux Interdits de René Clément lorsque Paulette, pour un cimetière des animaux clandestin et peu orthodoxe, se retrouve jetée en pâture à l'Assistance publique. Seule dans la foule, elle entend quelqu'un appeler Michel, son compagnon de jeux interdits, et croit partir à sa rencontre, à l'abri.

La scène initiale en revanche, n'est comparable avec aucune autre. Pas moins marquante, elle glace, ad nauseam : "... plante de pieds plate, absence complète de cambrure. Rhabillez-vous. Je soussigné, estime que, d'après l'ensemble des données morphologiques et du comportement, le sujet examiné pourrait appartenir à la peuplade de la race sémite d'ascendance soit judaïque, soit arménienne, soit arabe. En conséquence, le cas est à considérer provisoirement comme douteux."


L'un des meilleurs rôles, sinon le meilleur, d'Alain Delon. Un film intemporel, à revoir sur grand écran en version restaurée 4K.

Isabelle-K
10
Écrit par

Créée

il y a 6 jours

Critique lue 2 fois

Isabelle K

Écrit par

Critique lue 2 fois

D'autres avis sur Monsieur Klein

Monsieur Klein
Dagrey_Le-feu-follet
8

Homonymie kafkaienne

En 1942, Robert Klein, jeune homme aisé, amateur d’art et de femmes, achète à bas prix des œuvres d’art appartenant à des juifs qui tentent de quitter la France. Ayant reçu par voie postale un...

le 7 mai 2023

44 j'aime

3

Monsieur Klein
Ugly
7

Robert Klein et l'autre

Le film est une sorte d'enquête fantasmagorique sur l'identité, car à mesure que Robert Klein avance dans cette enquête, sur la piste de son homonyme, une sorte de fatalité le pousse à endosser la...

Par

le 15 mai 2018

43 j'aime

20

Monsieur Klein
Truman-
8

Critique de Monsieur Klein par Truman-

Mr Klein n'est pas encore un de ces nombreux films parlant de l'occupation et des déportations, il le fait bien évidemment car ça reste le sujet principal mais il le fait avec un oeil nouveau sur...

le 6 déc. 2013

29 j'aime

4

Du même critique

Tehachapi
Isabelle-K
8

Tehachapi

Le documentaire réalisé par JR nous conduit dans une prison américaine exponentielle : très haute sécurité, peines à perpét’, ultra violence. Quand en France on construit des prisons en périphérie...

il y a 6 jours

Sinjar - Naissance des fantômes
Isabelle-K
10

Sinjar, Naissance des fantômes

Les photographies de Michel Slomka sont sophistiquées de manière inversement proportionnelle au propos, barbare. La voix off, la voix de Sinjar -protagoniste principal, de Golshifteh Farahani est...

il y a 6 jours