Monsieur et Madame Adelmann retrace l’histoire fictive de Victor Adelmann et de sa relation fusionnelle avec sa femme Sarah Adelmann. Extrêmement divertissant (l’humour débordant de Bedos, les dialogues tranchants et les idées scénaristiques et de mise en scène qui fusent), la légèreté, la drôlerie et parfois même le grotesque de certaines scènes viennent couvrir un sujet beaucoup plus sérieux dans le fond.
M. et Mme Adelmann est un film honnête, brutal parfois, sur l’idylle d’un couple de littéraires et sur les errances d’un écrivain reconnu rattrapé par ses complexes. La carrière de Victor Adelmann, illustre académicien ayant reçu de nombreux prix littéraires, passe au second plan dans cette œuvre où c’est l’histoire qui le lie à Sarah Adelmann - figure inséparable de la réussite de son mari - qui est centrale. Le récit est d’ailleurs vu à travers ses yeux, après la mort de Victor.
Lui, névrosé et influencé mais qui n’en reste pas moins un surdoué. Elle, femme libre et intellectuelle au caractère tempétueux. A eux deux, ils font la paire. On a l’impression d’être en compagnie d’un couple d’intellectuels dans cette fête qu’est le Paris des années 70. Plus le temps passe cependant et plus on a la sensation que la vie de cet homme n’est pas si rectiligne. Ses réussites et échecs littéraires, ses enfants, mais surtout sa femme, Madame Adelmann, contribueront à venir troubler un peu plus son esprit.
Ce film parle de manière introspective de l’amour fou que voue Victor à Sarah. Car c’est Sarah qui est en effet admirable dans le film. Au-delà d’être la femme de l’ombre d’un écrivain célèbre, c’est elle qui viendra dicter les faits et gestes d’un homme en quête d’appartenance. Elle l’aide dans sa création, lui apporte équilibre et soulagement. Lui, qui trouve refuge à ses malaises dans l’écriture, sera toujours guidé par la présence de Madame Adelmann. Il lui « emprunte » même le nom d’Adelmann comme nom d’artiste, lui qui n’est pas un brin juif.
Est-ce pour autant un film féministe sur l’amour que porte un écrivain pour sa femme ? Il est difficile d’y répondre, car l’ambiance tantôt malsaine et les pulsions perverses de l’écrivain viennent semer le doute du spectateur. C’est cette ambivalence qui va marquer le scénario très bien ficelé de Nicolas Bedos. Victor a un caractère pour le moins provoc qui va ressortir dans des scènes aussi drôles que choquantes où il semble s’amuser de sa femme. Les sentiments y sont très confus : allant de l’amour fou au dégoût, du désir au rejet catégorique, de l’admiration à l’humiliation. Il paraît donc très difficile de dégager des vérités absolues à propos de ces personnages aux très nombreuses nuances et incertitudes.
Il semble in fine que ce film est une œuvre très ambitieuse : le sort de ce couple "passionnel" qui se déchire au fil des décennies, le rapport de l’écrivain à sa propre expérience, la signifiance de Madame Adelmann… Nombreux sont les nombreux sujets qu’a posé Nicolas Bedos dans ce film où les tourments d’un artiste semblent dépasser la fiction d’une magnifique histoire autour de l’amour et la littérature. Pour son premier passage derrière la caméra, Bedos voit les choses en grand et pose les bases de son cinéma très généreux en termes d’idées … avant de montrer à mon gout encore plus de justesse dans La Belle Époque, sa seconde réalisation.