"Hitler... Je déteste ce type..."
On critique souvent, à raison pour la plupart, les films entre-soi à la française, où les mêmes têtes nous refont les mêmes films année après année, sans penser une seule seconde que la notoriété ne suffit parfois pas ou plus. On constate hélas que ce constat s'applique au Monuments Men de George Clooney.
Le thème de la WWII semblait avoir été traité en long, large et travers par toute la clique hollywoodienne, démocrates comme républicains dans le même panier. Pour faire passer la douloureuse pilule de l'originalité, Clooney mise sur la traque d’œuvres d'art à travers une Europe dévastée par les nazis, et la guerre en général. Un fort beau programme. Tout le monde aime l'art. Plutôt perdre quinze divisions que de voir une tache de poussière abîmer un Picasso. Pas grand risque de ce côté-là donc. Surtout quand la troupe de choc se compose de Clooney, Damon, Goodman, Murray et autres figures vaguement connues. La traque n'en devient que plus palpitante...
N'ayant jamais vu un film réalisé par Clooney, je m'en remettais à son talent à la fois comique et un peu dramatique, dans les tons sérieux et pesants, pour bien faire comprendre que les nazis sont vraiment le mal absolu pour ce qu'ils font. Au final, c'est aussi délicat qu'un autodafé allemand en 1935 : ça pue l'américanisme le plus primaire à des kilomètres à la ronde. Tout le monde y passe : les boches sont des salauds, les Russes sont des taiseux bien sévères, les Français sont un peu concons mais sont sympa dans le fond, les Anglais sont à la botte des Américains, lesquels sont présentés comme les sauveurs des petites gens, familles, églises, musées, ayant perdu leur identité, symbolisée mièvrement par l'art. Pas grand chose de nouveau sous le soleil, mais c'est affligeant que Clooney en soit réduit à ça pour faire passer un message aussi simpliste, ce qui lui vaudra d'ailleurs d'être invité sur le plateau de 'Vivement dimanche prochain', ce qui pour le coup était bien mérité.
Les péripéties s’enchaînent difficilement. On ne s'ennuie pas trop, au début du moins, mais malgré le fil rouge grossièrement symbolisé par les deux œuvres à récupérer, on n'est jamais emballé. Le film aurait pu être le porte-drapeau de la lutte de la civilisation (les sauveurs d’œuvres, bons ou mauvais) contre la barbarie (les destructeurs de tableaux, nazis comme Américains en bombardant) à condition d'avoir un bon scénario et un bon recul pour ne pas faire du premier degré bête et méchant ; mais rien n'y fait. Les personnages ne sont aucunement attachants. On ricane bien d'ailleurs quand on voit que ce sont les Américains qui restent à la fin, laissant notre Jean Dujardin au placard. Murray semble complètement perdu pendant que Damon et Clooney pédalent comme ils peuvent pour faire oublier l'absence totale de charisme de leurs personnages respectifs.
Tout est bête, du genre navrant, dans Monuments Men. Les fusillades sont ridicules, certains retournements de situation sont tellement imprévisibles qu'ils en deviennent honteux. C'est à se demander si en 2014 on peut encore arriver à faire des films dignes des années 60/70 sur un thème qui a pourtant été traité des milliers de fois par tout un pan du cinéma occidental, et surtout américain. A la limite, si on veut partir dans du parodique, autant le dire clairement dès le début, le film avait le casting pour ça. Mais non, autant continuer dans les habituels poncifs idéologiques manichéens chers à Hollywood. En plus, ça va forcément parler aux Européens : on voit Paris, Cate Blanchett boit du café dans un joli restaurant, les paysages sont vraiment mimis, du genre vacances 'retour à la terre', etc. Idéal pour une promo fourre-tout qui permettra de collecter les billets de dizaines de milliers de spectateurs forcément curieux et attendris par avance par cette quête artistique savamment menée par les soldats de la liberté.
Aucune morale n'est donc à retenir de la pire honte de 2014 pour le moment. Clooney peut retourner à ses œuvres caritatives et politiques, domaines où il semble exceller, plutôt que de proposer un tel spectacle. On a bien ri dans la salle, c'est déjà ça, mais ce n'était vraisemblablement pas le but. Jean, reviens vite en Bonisseur de La Bath, on ne t'aime en guerre que comme ça.