Qui sait quel tournant la carrière de Roland Emmerich aurait pu connaître si les tentatives Anonymous ou Stonewall avaient fonctionné ? Peut-être pas si radical puisque ces dix dernières années, le réalisateur teuton les a passées à refaire le même film. À sa façon, 2012 rejouait Le Jour d'Après version XXL, et Independence Day Resurgence radotait miteusement le premier ID4. En étant moqueur, on pourrait attribuer cette manie du recyclage à une déformation professionnelle (Emmerich est un militant écolo de longue date) car avec Moonfall il nous raconte...encore la même chose.
Pour les esprits les plus tatillons (ou susceptibles), la séance sera des plus pénibles vu le film a le bon goût de partir loin. Très loin. Très très loin. Sa destination officieuse n'est pas la Lune mais l'Absurdie. En dehors de sa chouette entrée qui excite les papilles, le plat de résistance vise le bourratif. Tous les défauts estampillés Emmerich sont là. Trop de personnages, trop de lieux, trop de blagues, trop de poncifs,...Mettons les extravagances à part puisqu'elles sont le carburant essentiel de ce type d'orgies pyromanes.
Sur ce point, sachez que la grosse production lunaire met la barre bien plus haut que 2012. Oubliez les notions de temps, d'espace, de crédibilité et même de logique, elles ne serviront à rien ici. Rien de mal à ça, d'autant plus que Moonfall s'assume et ne prend pas son intrigue plus au sérieux que ses personnages. L'acolyte illuminé est intronisé expert-astronome en quelques minutes, les dirigeants semblent échappés de South Park, les héros sont des clichés sur pattes...à tel point que même le cinéaste/co-scénariste s'en contrefout. Ce qui a ses avantages, les dérèglements invraisemblables causés par la sortie orbitale de notre Lune amènent quelques beaux visuels (les ondes de gravité). Mais présente de grosses lacunes.
À force de rejouer l'apocalypse depuis 25 ans, Roland Emmerich ne sait plus quoi inventer pour nous décrocher la mâchoire. Quand il ne reproduit pas les mêmes erreurs - une majorité de seconds-rôles inutiles - le voilà qui se sert chez Kubrick (2001), De Palma (Mission to Mars). Les références pourquoi pas, fussent-elles appuyées, mais encore faut-il les traiter autrement que de simples artifices de narrations. Au départ, ces idées inattendues laissent espérer un peu de fraicheur jusqu'à ce que le réflexe de récupération touche également à Independence Day Resurgence. Imaginez un peu la mixture !
Où veut en venir Emmerich ? Bien malin celui qui pourra dire. Beaucoup de redîtes et pas beaucoup d'idées novatrices même sur le plan de la destruction massive. On peut y prendre du plaisir mais il sera de courte durée, telle ou telle scène ayant déjà été vue en particulier chez...Roland Emmerich. Personnellement, j'y vois la seconde tentative pour créer une saga interstellaire après l'échec de Resurgence. La réussite était à portée de mains pourvu qu'on ne nous resserve pas le même plat déjà à peine comestible en 2016. Que la motivation soit plus palpable n'y change pas grand chose.