Moonlight, c'est le genre de film qui a reçu tellement d'ovations et de compliments qu'on met la barre assez haut avant le visionnage. Dans mon cas, je craignais que le film ne s'égare dans les clichés du mélo à oscars. Déception quand cela s'est confirmé.
Il faut reconnaitre que Moonlight évite quelques pièges, comme celui de verser dans la mièvrerie et les artifices tire-larmes. La mise en scène de Jenkins fait montre d'une certaine sobriété qui donne un cachet noble à l'oeuvre. La musique élégante et très juste renforce cet effet.
Mais cet atout devient aussi un point faible, car il penche vers l'autre extrême. Le cinéaste craint tellement d'aller dans la surenchère mélodramatique qu'il reste en surface sur beaucoup de choses dans la majorité du film. Moonlight est trop timide. Il n'ose pas assez, et on reste loin de ce que ressent Chiron. Scénaristiquement, tout est très prévisible, on est loin d'un film audacieux et on le laisse couler sans qu'il nous surprenne.
Une autre qualité mal utilisée est la sous-exploitation de bons personnages, comme celui de Juan. C'est le genre de gangster des ghetto qui possède une nuance qu'on a pas l'habitude de voir au cinéma. Il est doux, sensible, généreux, aimant, compréhensif... il devient le modèle de Chiron. La scène de "baptême" entre le petit et lui restera la plus mémorable. Mais il est évacué bien trop vite.
On retiendra en revanche une image très belle, avec une caméra flottante, douce et fluide, qui accompagne magnifiquement les errances de Chiron.
L'un des principaux point faible est la façon dont sont gérées les ellipses. On a la sensation que Jenkins ne coupe pas aux bons endroits, il tranche toujours trop tôt, de façon prématurée, et cela s'en ressent dans sa narration, jusqu'à la fin. L'histoire d'amour entre Chiron et son ami de toujours est dans la même veine, il manque quelque chose pour qu'elle nous touche. Ce refus de pathos devient problématique quand il s'agit de sentiments pareils. La sobriété finit par tuer l'émotion.
Ainsi, Moonlight, ça donne au final un résulat scolaire, bon élève, mais pas mémorable. Il joue au grand film, mais il n'a pas la substance et la sensibilité nécessaire pour en être un. Ce qui est gênant, c'est de le voir sacré oscar du meilleur film seulement pour le parti pris d'une situation originale : un jeune homme sensible et homosexuel plongé dans le milieu violent des ghetto, comment il retourne les clichés du film de gangsters... et c'est tout. Moonlight est assurément un film progressiste, mais pas le film de l'année.