Morse est un drame psychosocial des plus sérieux traité à travers la confrontation inattendue d'un enfant à une entité métaphorique légendaire : un vampire. Les inconditionnels d'hémoglobine et de superpuissance vampirique peuvent donc cesser ici leur lecture : ce film n'est pas pour eux. Ce d'autant qu'il s'agit d'un film scandinave qui ne trahit pas la réputation des films de productions nordiques en prenant tout le temps nécessaire pour exposer et évoquer, jouant du plan fixe et du silence prolongé à l'envie.
Plus concrètement, Morse est l'histoire d'une rencontre entre un jeune garçon mal dans sa peau et une vampirette millénaire (mais ayant conservé le visage poupin de ses 12 ans). Toute l'astuce et l'intelligence du film réside dans l'utilisation des éléments clés de la mythologie vampirique (la malédiction liée à la condition, l'isolement, la surpuissance nocturne qui contraste avec l'absolue vulnérabilité sous les rayons du soleil...) comme contrepoint aux difficultés que traverse le jeune Oskar, plus tout à fait enfant mais pas encore adolescent, souffre-douleur des nabots de sa classe, toujours la goutte au nez, délaissé et déçu par ses parents, qui se donne une illusion de puissance en collectionnant les coupures de journaux relatant les faits divers les plus sordides et en s'imaginant poignarder le responsable de son martyr.
Le résultat est convaincant et donne à réfléchir. Les longs silences et les plans larges sur l'impersonnelle banlieue suédoise enneigée renforcent l'atmosphère oppressante du film et l'empathie du spectateur pour ces deux "enfants" en souffrance, qui trouvent en l'autre une sorte d'alter ego en même temps qu'une moitié.
Seule l'avant dernière scène du film, quoiqu'elle déchire assez, m'a finalement parue un peu incongrue dans ce trouble paysage. Quoi qu'elle soit paradoxalement porteuse d'espoir. Mais trêve de spoiler. Morse est le moins vampirique des films de vampires que je connaissance. Mais il mérite franchement d'être vu.