Parfois, quand nos yeux ne savent plus dire ce qu'ils voient devant Москва слезам не верит, l'esprit derrière eux nous rappelle que le film se passe dans le passé ; il n'est pas si vieux que ça ! Pourtant, il date de 1980, et son âge peine à expliquer sa lucidité. C'est un film vo-lumineux, qui lâche la Vie et l'Espoir au milieu d'un scénario qui sert d'arène à ces deux entités, et dont le combat va générer une histoire à laquelle on ne peut faire que de rares reproches, par exemple le peu de forme donné au temps qui passe ; l'œuvre ne nous donnera pas l'impression que les années passent, même du haut de ses deux heures et demi.


L'anecdote nous apprend que Reagan a vu ce film au moins huit fois avant de rencontrer Gorbatchev, dans le but de « s'imprégner de l'âme russe »... Il est à espérer que cela ne lui a pas fait commettre d'erreur diplomatique, car la seconde lecture nous le fera percevoir comme clairement anti-propagandiste. Il est parsemé de phrases qui sont dotées comme de grands signes clignotants pour le cinéphile un tant soit peu féru d'histoire : « rappelle-toi que notre pays a le meilleur système médical au monde », « il paraît que les étrangers fêtent les grands évènements au restaurant », « deux personnes se sont rencontrées au club sans savoir qu'elles étaient voisines, c'est l'effet pervers de l'urbanisation »... Moquerie, valeur documentaire, mise en relief, relativisation ? Derrière ces apparentes contradictions, le réalisateur voulait que son film soit empreint d'histoire et d'espoir, mais le doute subsiste ; peu importe, car sa création est une réussite et n'en est que nimbée d'un plus beau mystère.


En plus, on n'a pas vraiment le temps de se pencher sur ces préoccupations ; le propos n'est pas tout seul et doit avancer au pas d'une intrigue qui n'a hélas pas grand chose à dire, si ce n'est la narration des amours et des déceptions d'une femme féministe, laquelle remporte sa cause par la force de sa persévérance et non de ses revendications. Une belle leçon qui nous remet à l'idée ce qu'était un Moscovite pendant la Guerre Froide et nous apprend que le monde communiste râlait déjà que ses hommes s'abrutissent à coups d'une télévision toute-puissante. Pas encore assez ? Attendez voir dans vingt ans, dit un personnage visionnaire. Pas encore assez ? Attendez voir dans vingt ans ! La Russie pré-gorbatchevienne avoue, au travers de l'ouvrage de Menchov, être issue d'un terreau commun où les supermarchés font la loi.


Quantième Art

EowynCwper
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le 2 sept. 2018

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Eowyn Cwper

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