Mosquito Coast
Comme quoi, voir un film avec des yeux d'enfants ou avec des yeux d'adultes, ce n'est vraiment pas la même chose. J'avais vu ce film quasiment à sa sortie quand j'étais encore minot (disons que je...
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le 19 avr. 2017
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C'est toujours avec plaisir que je vois et revois ce film, très riche, de Peter Weir. Pour des tas de raisons.
"Mosquito Coast" est la mise en scène d'un utopiste ou idéaliste, grand bricoleur de génie, qui va aller au bout de son utopie. Il en a marre de la société consumériste actuelle, de ses trop grandes facilités qui font perdre de vue l'essentiel, les vraies valeurs de la vie. Bien. Mais c'est réciproque, les autres qui le côtoient en ont marre aussi de ce "je sais tout qui n'a que parfois raison". Comme le paysan qui compte sur lui pour l'aider à réfrigérer ses asperges qui sont en train de pourrir et qui, dépité, le vire de chez lui avec un "on est dans l'agriculture, ici, pas au concours Lépine".
Et notre utopiste part, sur un coup de tête, dans la jungle refonder une civilisation basée sur le travail (qui apporte l'égalité entre gens) et sur ce que la nature fournit.
Il faut, dès à présent, préciser quelque chose d'important. Dans ce film, beaucoup de choses techniques ne sont pas du tout réalistes. Comme de fabriquer une énorme machine à froid sur ammoniac au fin fond de la jungle avec pratiquement la bite et le couteau, comme on dit. Ce n'est quand même pas par hasard que ce type d'équipement est pratiquement interdit en France à cause de l'ammoniac (même si ce dernier est certainement le fluide frigorigène le plus efficient). Comme d'obtenir des planches en découpant un tronc d'arbre longitudinalement à la tronçonneuse, que celui qui a déjà tenu en main une tronçonneuse vienne me montrer ! … Tout ça pour dire, que dans ce film, il faut allègrement passer sur bien des détails techniques et considérer les diverses et nombreuses inventions comme des métaphores d'un progrès qu'on peut (pourrait) mettre en œuvre n'importe où, à partir de n'importe quoi, ce qui n'est plus le cas dans une société comme les USA.
Non, ce qui me plait surtout dans ce film, c'est que le héros (Harrison Ford très inspiré) s'oppose à tous les dogmatismes qui sont censés brider notre vie comme la société capitaliste, la religion, les mille contraintes qu'on se créé dans une société dite avancée. Il s'oppose à tous les dogmatismes mais son utopie finit par en générer un bien plus contraignant. Au début, la micro-société qui l'entoure (épouse et quatre enfants) est partante pour larguer les voiles, s'installer en pleine jungle (au Belize), réinventer la civilisation. Le personnage d'Harrison Ford est un idéaliste un peu farfelu, certes, mais comme tout va bien, comme le travail finit par résoudre les difficultés et qu'il semble avoir raison, c'est génial ! Tout le monde est heureux ! Mais c'est sans compter le grain de sable malveillant et inattendu qui grippe une mécanique pourtant bien huilée. L'aveuglement lié à ses convictions le conduit, d'une étape vers l'autre, d'une difficulté à surmonter vers un nouveau problème, à devenir un autocrate que tout le monde va commencer par détester puis vouloir fuir.
Résumons le propos en disant que d'un personnage idéaliste au départ, sympathique même, Harrison Ford se transforme peu à peu en un dictateur lorsqu'il voit des bribes de contestation avant de finir en fanatique prisonnier de son propre dogme.
Spoiler : et ce n'est pas non plus par hasard que l'on va voir le missionnaire fanatique, qui s'oppose à Harrison Ford depuis son arrivée au Belize, lui régler son compte.
Outre la réalisation très soignée de Peter Weir, les décors magnifiques de ce coin de jungle, une excellente musique de Maurice Jarre, c'est un film que, très personnellement, je trouve passionnant car il interroge ce sentiment de frustration qu'on peut avoir dans une société codifiée, rigide où l'initiative individuelle est de moins en moins comprise. Mais il interroge tout autant les alternatives possibles. Comme conclut le fils du personnage de Harrison Ford, subjugué par son père et soumis à son père, il découvre soudain après sa mort à quel point le monde est infini.
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