On l’aura compris, pour Aronofsky la nature humaine est ce qu’il y a de plus noir et de plus détestable dans la vie.
Dans ce conte maléfique, la symbolique est omniprésente. Nous avons 3 personnages symboliques dans ce film : Le bien impuissant (Jennifer Lawrence), le mal démiurge (Javier Bardem) et les Hommes grégaires (les autres personnages du film). L’homme incarne le mal à travers l’ambition, la quête de la perfection et l’amour de la connaissance et du progrès. La femme incarne le bien et accessoirement nous (le spectateur) à travers la vie, l’amour, l’innocence, la sécurité du foyer, le cœur. Le reste des personnages constitue la foule, les masses, l’humanité en général. Le propos du film est le suivant : le fanatisme artistique, politique, religieux dû à la recherche du meilleur n’entraine que le mal et ce mal est dans la nature humaine ; il se vérifie avec l’histoire (le cycle). La maison symbolise la vie (biologique, cyclique) avec son cœur qui saigne (scène du tapis). Tous les personnages secondaires expriment les défauts de l’humanité : vanité, jalousie, luxure, mesquinerie, violence morale et physique, avidité, barbarie… Même les bonnes actions (l’inspiration, la générosité, l’ouverture) nourrissent le mal. C’est une fatalité.
C’est une bonne idée de proposer un film symbolique pour exprimer cette conception de l’humanité mais le problème c’est que la mayonnaise de maman ne prend pas notamment car les liens faits entre la narration et la symbolique omniprésente sont très artificiels. En fin de compte, il n’y a même pas de narration, elle sert de prétexte à la symbolique. Aronofsky nous illusionne en début de film en nous faisant croire qu’il s’agit là d’un thriller haletant alors que durant toute la première moitié du film, lorsque que l’on manque d’éléments pour interpréter la symbolique, on est perdu et on s’emmerde un peu. Je pense que cela est dû au fait qu’aucun personnage n’est traité, développé (pas de noms, d’identité) il y a seulement la référence biblique avec les premiers visiteurs (Adam, Eve, Caïn, Abel). Une fois que l’on reçoit l’explication à la fin du film il n’y a plus aucun doute sur la symbolique et l’on comprend aisément pourquoi les personnages sont creux et insipides mais on se rend compte aussi que l’on s’est fait avoir et que la narration, plus simplement l’histoire, est sans intérêt. Par ailleurs cette ambiance baroque, démesurée et monstrueuse avec ses grosses ficelles, reste très lourde, pesante presque suffocante, sans doute à cause de cette caméra qui n’arrête pas de tourner autour de Jennifer Lawrence. Certains vont dire que justement c’est tout le génie du réalisateur mais selon moi c’est beaucoup trop appuyé et répétitif. Le cœur du film demeure long et pénible car on ne sait pas où l’on va et on perd patience. Ainsi au moment où l’orgie ubuesque dégénère avec l’arrivée des militaires certaines personnes ont quitté la salle du cinéma. La mise en scène tente bien de proposer des pistes intéressantes (l’univers glauque, les jeux d’ombres, focalisation interne…) mais ça ne comble pas la vanité du reste.
Même en termes de contenu, je suis déçu, moi qui aime généralement les films réflexifs. La morale tragique du film (l’Homme subit sa vie, il nait, vit, meurt mauvais et ce sera toujours ainsi malgré quelques rares instants de plaisirs) me parait peu originale.
Non seulement cette morale est un peu convenue et en plus je ne la partage pas. Les hommes ont toujours recherché la connaissance et la perfection pas seulement en raison de leur nature, pas seulement pour l’ambition mais aussi pour protéger leur famille. En outre, dans la réalité, les relations d’intérêt (je t’aime parce que tu m’es utile) et les comportements négatifs ne sont pas forcément incompatibles avec une vie épanouie et réussie.
En conclusion, une idée de base intéressante mais détruite par des artifices outranciers.