" The men want the truth. "
Jefferson Smith est un jeune homme responsable d'un groupe de boy-scouts dans le Montana. Du jour au lendemain, cet homme naïf et idéaliste se retrouve propulsé sénateur à Washington à la suite d'une combine dont il est innocent. Se rendant vite compte que la plupart des sénateurs se contentent de voter les lois qui leurs sont proposées, Smith décide de soumettre son propre projet de loi. Il souhaite construire un camp de vacances pour enfants. Seulement il doit faire face à l'opposition virulente d'un industriel et d'un sénateur, qui envisagent de bâtir un barrage sur le même emplacement que celui prévu pour le camp de scouts…
La grande force de ce film réside dans la critique faite des idéaux démocratiques Américains. Capra manipule à la perfection cette ambivalence entre satire et apologie d'un système politique gangrené par l'influence des puissants. Mais notons qu'à aucun moment il ne prend le risque de s'enfermer dans une critique de nature idéologique. Il en est au-delà ou en deçà, car n'oublions pas que les films de Capra sont des fictions et non des thèses. Nous sommes ici dans le registre de la fable morale, tout en sachant que c'est la fable qui fait la morale. Et Capra compose cette fable à partir de deux forces qui s'opposent, à savoir la vérité et le mensonge.
La vérité s'exprime par le biais de Jefferson Smith, ce jeune homme naïf qui a force d'entêtement et de persuasion, va tenter de contrecarrer les plans de ses détracteurs, dans leur projet de construction d'un barrage. Durant la première partie du film, la naïveté de Smith fait de lui un homme ridiculisé, victime de la calomnie de ses adversaires. Ce n'est qu'après, qu'il se rend compte du contraste qui existe entre les valeurs démocratiques, défendues par d'anciens présidents comme Lincoln ou Washington et la réalité politique de l'époque (des années 30), dominée par l'intérêt personnel.
L'autre force centrale qui compose cette fable, le mensonge, est représentée par Joseph Harrison Paine. Paine fait partie de ces sénateurs soumis face aux grands industriels véreux, qui n'hésitent pas à se servir du pouvoir politique afin de réaliser leurs projets lucratifs. Lorsque Paine prend conscience que Smith envisage de bâtir un camp de scout sur le même emplacement que le barrage, il va user de stratagèmes calomnieux pour le décrédibiliser auprès de ses collègues et à plus grande échelle, grâce à l'instrumentalisation de la presse, auprès de la société américaine.
Mais tout ce processus mensonger n'aurait pas pu se réaliser sans l'intervention de Jim Taylor, l'industriel véreux à l'origine de la construction du barrage. En effet, cet homme, incarné par l'excellent Edward Arnold, espère un fort retour sur investissement une fois que l'édification du barrage sera terminée. C'est lui qui n'hésite pas à faire pression sur Paine en lui rappelant qu'il n'aurait probablement pas été réélu sénateur sans son influence. Paine doit donc se soumettre à l'autorité de Taylor s'il ne veut pas perdre sa place au Sénat.
Nous sommes donc au cœur d'une affaire politique dans laquelle la corruption de Taylor se cache sous le mensonge de Paine. Une affaire dans laquelle l'individualisme, l'idée fondamentale, devient le ressort dramatique essentiel du film. L'histoire étant de savoir si "un agneau sans défense tel que Smith peut tenir tête à un lion armé de ses griffes et de ses dents et déterminé à s'en servir". C'est précisément là que se joue la morale de cette fable « Capraesque ».
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