" Comptable le jour, assassin la nuit " .... fort de cette accroche peu inspirée (qui montre surtout que le distributeur Français ne savait pas comment vendre le film...) et d'une bande d'annonce bourrine, Mr.Wolff s'annonçait comme la rencontre improbable entre Rain Man et Jason Bourne. Un pitch intriguant mais dont on attendait rien si ce n'est une bonne petite série B du samedi soir, la prise de risque et l'originalité n'étant pas vraiment l'apanage des studios hollywoodiens par les temps qui courent. Néanmoins, un détail aurait du nous mettre la puce à l'oreille : la présence du script sur la fameuse " blacklist " des meilleurs scénarios jamais tournés.
L'entrée en matière correspond pourtant à nos attentes et force est de constater que dans le registre de l'action pure, Mr.Wolff fonctionne très bien malgré l'utilisation du cocktail habituel à base de gunfights et de close combat (ici du Pencak Silat).
Le métrage possède une belle tenue formelle qu'il doit à son réalisateur Gavin O'Connor, solide technicien qui parvient à créer une atmosphère plus proche du film noir que du techno-thriller attendu tout en emballant des morceaux de bravoures brutaux et bien chorégraphiés. A ce titre, le film se démarque de la concurrence grâce à un détournement astucieux des lieux communs du film de super-héros et par un second degré qui fait mouche en occasionnant de nombreuses ruptures de ton souvent relatives à l'autisme du héros (Ben Affleck fantastique !).
Ce sont là les premier signes de l'iconoclastie d'une oeuvre qui à l'instar de ses personnages, n'est au final pas du tout ce qu'on attend d'elle.
En effet, le film déjoue progressivement toutes les attentes du spectateur avec comme point d'orgue un enchaînement de twists dans la dernière demi-heure qui renverse tous les enjeux du récit. Ainsi, Mr Wolff se révèle être une oeuvre inclassable qui investit une multitudes de genres (l'actionner, la comédie, le drame familial...) tout en en subvertissant les codes. Pour un peu, on se croirait dans un film coréen, l'ultra-violence et la folie narrative en moins (ça reste quand même gentil comparé à du Bong Joon-Ho), et on comprend beaucoup mieux pourquoi cette histoire a un temps intéressé les frères Coen !
Pour être appréciée et appréhendée, cette dimension hybride exige du spectateur qu'il range définitivement sa suspension d'incrédulité au placard et certains risquent de trouver l'ensemble un peu grotesque. C'est bien dommage parce que des péloches qui peuvent se targuer de proposer un tel mélange des genres tout en possédant des personnages complexes ( TOUS les personnages sont fouillés), on en redemande et on se dit qu'on est en présence d'un petit miracle dans la production hollywoodienne actuelle.
Fun, bien réalisé, plus profond qu'il n'y paraît et servi par des interprètes formidables, Mr Wolff est une oeuvre atypique et éminemment sympathique qui rappelle que l'industrie cinématographique américaine est encore capable d'accoucher de produits originaux et ça, ça fait plaisir !