‘Muriel’s Wedding’ est une espèce d’ovni cinématographique, oscillant entre comédie romantique niaiseuse, drame sordide et fable amorale. Si le film ne parvient pas vraiment à trouver un équilibre à ces tendances qui se repoussent, l’œuvre n’en reste pas moins une expérience plus originale qu’escomptée.
En fait, le film repose sur un humour à base de gêne et d’ascenseurs émotionnels, et ça ne peut manifestement pas plaire à tout le monde. Par exemple, le passage de la chorégraphie en costume est d’un kitsch embarrassant, mais elle représente une première victoire pour Muriel tandis que les œillades pleines d’animosité de ses anciennes amies sont hilarantes. La séquence où Muriel s’apprête à passer à l’acte avec un jeune homme aussi gêné qu’elle est symptomatique de cette ambiance déconcertante : la séquence devrait être le début d’une idylle amoureuse saugrenue, mais Muriel est atrocement repoussante pendant toute la scène, et le passage se conclue sur une brutale note dramatique.
Le même traitement s’applique au personnage principal, loin de tous les stéréotypes de comédie romantique. Muriel n’est pas belle, elle n’est pas intelligente, elle vole et ment à sa propre famille, et son obsession pour le mariage tourne en fait à la névrose. Dans ces conditions, difficile de s’attacher vraiment au personnage, et pourtant le récit s’applique à faire d’elle une héroïne malchanceuse. Pire, l’absence de moral derrière sa quête d’identité est pour le moins troublant (elle se marie fièrement avec un inconnu, cause de manière indirecte le suicide de sa mère et abandonne sa famille). En fait, l’œuvre s’attache à prendre à contrepied tous les codes de la comédie romantique pour les piétiner avec dégoût. En ce sens, ‘Muriel’s Wedding’ est une réussite absolue, mais son visionnage n’est pas forcément très plaisant.
Pour autant, l’œuvre profitait d’atouts insoupçonnés : une bande-originale quasi-exclusivement composée de morceaux de ABBA et l’actrice Toni Colette méconnaissable dans un rôle difficile. Plus marquant encore, le récit esquisse une galerie de personnages à l’intellect déficient géniaux, qu’on aurait apprécié découvrir plus en avant : la touchante et pitoyable mère de Muriel (fantastique Jeanie Drynan), les frères et sœurs assistés de Muriel, le groupe de filles superficielles dont l’aguicheuse Nicole, la vieille femme aigrie délatrice, et le nageur sud-africain.
Une comédie romantique qui prend le genre à contre-pied pour en faire un drame sordide.