Le quatrième film d’Ingmar Bergman se présente comme un mélodrame que la fin heureuse contredit. Le début condense à lui seul le style du film à venir. La séquence de l’exercice de tir, qui campe la situation dure trois minutes. S’ensuivent les rêves cauchemardesques de la victime, dans une suite de plans fort réussis sous influence du cinéma expressionnisme allemand. Bergman s’attache par la suite à faire une étude des rapports de classe de la société suédoise d’après-guerre, d’une campagne cruellement lumineuse à la ville, vénale et corruptrice, toute en clairs-obscurs. Tout cela est mené avec une rigueur implacable, en brisant des tabous, tant représentatifs qu’idéologiques ; il montre naturellement la nudité, nous plonge dans une école de non-voyants, évoque le communisme à travers un personnage tiers, filme l’inversion des positions sociales qu’amène la cécité… Une belle réussite, déjà.