Les critiques ne s'y étaient pas trompés : Mustang de la franco-turque Deniz Gamze Ergüven est un grand film et il a fait parler de lui à juste titre. Le rapprochement d'avec Virgin Suicides est assez évident, même si les enjeux sociétaux et moraux que soulève Mustang sont très différents.
Je me garderai bien de me lancer dans une diatribe contre le patriarcat rétrograde que dénonce le film et qui, pour un Occidental - à fortiori pour une jeune femme qui a grandi après les luttes féministes des années 60 - est totalement insoutenable et donne envie de hurler. A plusieurs reprises, Mustang m'a rappelé les thématiques soulevées par le très beau Wadjda qui, à travers le parcours d'une petite fille, montrait bien le machisme généralisé (sous couvert d'islam) de la société saoudienne.
Premier atout du film : les cinq soeurs, qui crèvent littéralement l'écran avec une grâce infinie. Leurs longs cheveux aux vent (dernière manifestation de leur liberté), leur sensualité gracile, toute en postures languides, leurs jeux de jambes nues, leur tendre complicité sautent aux yeux du spectateur et l'envoûtent pendant 1h33.
J'ai particulièrement aimé Lale, la plus jeune, dont on pressent dès le début l'intense envie de rébellion : on sait déjà que c'est par elle qu'adviendra la libération, si elle doit advenir.
Photographie léchée (mention spéciale pour les plans nocturnes, surtout vers la fin, qui installent une tension absolument grandiose), musique discrète mais entêtante, Mustang est porté par son esthétique qui parvient à insuffler de la poésie dans la tragédie. Une tragédie terriblement actuelle qui parle de mariage forcé d'adolescentes, d'obsession du vice généralisé, de privation totale de liberté - le tout, dûment orchestré par le cercle familial le plus proche.
Je ne parviens pas à comprendre comment les femmes entre elles peuvent soutenir un fonctionnement aussi moyenâgeux. Elles sont pour moi les premières coupables de la pérennisation de ces pratiques criminelles. Car c'est un crime de forcer l'union d'une gamine de 14 ans avec un jeune homme qu'elle ne connaît pas. C'est un crime de les traiter de perverses parce qu'elles grimpent sur les épaules d'un ami. Encore un crime de faire poser des barreaux aux fenêtres, des piques sur les murs pour empêcher la fugue de ces forces qui vont.
J'ai trouvé ce film vraiment sublime sur la forme et très courageux sur le fond : pour tout cela, un grand bravo à Deniz Gamze Ergüven à qui, j'espère, l'Oscar du Meilleur Film en langue étrangère reviendra.