L'univers si personnel de "2046" ou de "In the Mood for Love" semble se diluer aux États-Unis - malgré les bars, les néons et les nuits blanches. "Mes nuits myrtilles" est une méditation sur les mal-aimés. Élizabeth (Norah Jones) vient s'échouer, dévastée par un chagrin d'amour, dans le bar new-yorkais de Jérémy (Jude Law). Avec tact, une compréhension quasi féminine, Jérémy écoute Lizzie saupoudrer sur lui son malheur. Jérémy n'est qu'une oreille, disponible et bienveillante.


Il garde dans un bocal les clés déposées par des clients pour quelqu'un qui ne les a jamais réclamées... Ils raisonnent là-dessus comme sur l'origine du monde. Quand le sujet s'épuise, Jérémy raconte que ses tartes sont consommées chaque jour. Seule la tarte aux myrtilles reste entière. Pourquoi donc ? Pourquoi cette mise au rebut comme certains humains, largués par un amant ou une maîtresse ? Par solidarité, Lizzie commande chaque fois une part de tarte aux myrtilles. "Et pourtant elle est bonne !" s'étonne-t-elle...


Ces deux paumés s'entendent bien - en rade de New York. L'action stagne quand une bagarre avec deux clients soulage Jérémy. Élizabeth débarque, blessée au cours d'une agression. Tous deux soignent leurs bobos physiques. Et Lizzie décide d'aérer sa neurasthénie.


À Memphis, elle travaille dans deux bars restaurants. Pas le temps de penser à l'amant infidèle. Un policier, Arnie, tente d'oublier son ex-femme Sue Lynne (Rachel Weisz) dans l'alcool. Cette fois, c'est Lizzie qui écoute la plainte d'Arnie le rejeté. Pas vraiment indiqué pour son spleen, mais une insomniaque doit s'occuper. La rencontre avec Leslie (Natalie Portman), joueuse de poker incorrigible, la tire un peu de sa léthargie. Elle l'aide à se refaire après une lourde perte au jeu. Elles quittent Memphis pour Las Vegas, je renonce à la suite...


Wong Kar-wai explore la profonde mélancolie où plongent les vaincus de l'amour. Trois issues se présentent : la mort, meurtre ou suicide ; l'action du temps qui disperse souvenirs et douleur aux quatre vents ; et la découverte d'un nouvel amour.


Quatrième long métrage que je vois du réalisateur, ce film inabouti me déçoit. L'épisode de Memphis, où trois histoires s'entrecroisent, est assez confus. Le voyage à Las Vegas m'apparaît superflu... Et quand je pense au charisme des héroïnes de "2046" et "In the Mood for Love", à leur sens du mystère, leur élégance sophistiquée... Norah Jones, ce poisson d'aquarium désespérément atone, ne joue pas dans la même catégorie...
Mais j'aime l'hommage de Wong Kar-wai aux vaincus de l'amour. À ceux que l'on ne désire plus, qu'on abandonne au désespoir dans un désert où l'amour se fripe en souvenirs.

lionelbonhouvrier
6

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le 30 mars 2017

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