Kenneth Branagh n’a pas chômé. Un peu plus d’un an à peine après la sortie de ‘Mort sur le Nil’ sa dernière adaptation d’une aventure d’Hercule Poirot et de la sortie de ‘Belfast’ (belle évocation de sa jeunesse et du conflit en Irlande du Nord), l’acteur-réalisateur nous revient avec une troisième adaptation d'après Agatha Christie. Moins heureuse que la précédente, cette adaptation a le mérite d’être un bon divertissement du samedi soir.
Venise, veille de la Toussaint, quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est là que vit désormais le célèbre détective Hercule Poirot, aujourd’hui retraité. Après avoir consacré sa vie à élucider des crimes et avoir été témoin de ce qu’il y a de pire chez l’être humain, il a renoncé à sa vocation d’enquêteur. Et s’il fait tout pour éviter d’être confronté à des affaires criminelles, ce sont souvent elles qui le rattrapent.
Ce troisième volet se regarde sans déplaisir, sans réelle passion non plus. On y retrouve les intrigues à la Agatha Christie. Quelle que soit l’histoire, l’agencement du film est inchangé : une ouverture, Poirot qui rencontre les protagonistes, le meurtre, l’enquête, les interrogatoires, Poirot qui révèle tout et les flashbacks pour bien faire comprendre. Les enquêtes de Poirot sont toujours les mêmes, d’une structure rigidissime mais en même temps, c’est ce qui en fait le charme. On sait ce qu’on va nous servir.
Bien sûr, ceux qui détestent les cluedos, les intrigues à clés peuvent s’abstenir. Ceux qui pensent voir une fantaisie à la Pascal Thomas se mettent le doigt dans l’œil. Le film est d’une sagesse et adapte très littéralement l’auteure anglaise. Puisqu’on parle de Pascal Thomas, le cinéaste français avait réussi dans ‘L'Heure zéro’ et sa trilogie Beresford à adapter à sa sauce les intrigues d’Agatha Christie. Car l’intrigue n’était en fait qu’un prétexte pour une histoire fantaisiste et drôle.
Ce qui est assez abouti dans le film, c’est l’ambiance. Venise est filmée de manière anxiogène avec ses palais sinistres, ses ruelles mortes (comme dans le dernier Mission Impossible). Le film invoque une ambiance assez gothique comme dans ‘Les Innocents’ de Jack Clayton, avec ses fantômes, ses recoins. Côté ambiance, Branagh fait le job. Les plongées et contre-plongées ainsi que les cadrages obliques contribuent largement à l’angoisse que peut susciter le film par moment.
Mais comme dans ‘Mort sur le Nil’, Branagh en fait des tonnes. Il y a trop d'effets, trop de mouvements de caméra. On a constamment l’impression qu’il veut montrer qu’il maîtrise parfaitement l’art de la mise-en-scène. Il abuse tout autant de la musique, des ralentis. Beaucoup de scènes sont trop longues, par exemple l’ouverture du film. Les interrogatoires sont interminables.
Car Kenneth Branagh tient absolument à donner à chaque acteur sa grande scène d’émotion. Pourtant, aucun personnage n’existe vraiment à part dans sa scène où chaque acteur pourra faire la démonstration de son talent et de sa capacité à émouvoir. Car ‘Mystère à Venise’ n'est en réalité qu'un long selfie d’1h45 à 60 millions de dollars. Car l'acteur est de tous les plans et se filme sous toutes ces coutures.
Les interprètes sont pour la plupart assez mauvais. Camille Cottin, d’habitude bonne comédienne, est vraiment calamiteuse. Ses scènes de prière en latin frôlent au millimètre près le ridicule. Kelly Reilly est méconnaissable. Michelle Yeoh est assez rigolote en medium. Mais seule Tina Fey, en Ariadne Oliver, semble avoir un peu d’esprit.
‘Mort à Venise’ est un film à regarder avec beaucoup d’indulgence. Du Poirot au navet, il n’y a clairement qu’un pas. Si l’on pardonne au film ses nombreux défauts, on passera un agréable moment.