Céline Sciamma, je l'ai connue lorsqu'elle était comme moi étudiante à Paris-X. En 2003, je l'ai retrouvée à la Fémis : elle y était inscrite dans le département Scénario pour lequel je m'apprêtais moi-même à passer le concours d'entrée et elle m'a fait visiter le prestigieux établissement qui me faisait tant rêver. Deux ans plus tard, dans le cadre d'un travail de fin d'études, elle signait le scénario de Naissance des pieuvres, primé l'année suivante par le Prix Junior du Meilleur Scénario puis réalisé en 2007, année où il a reçu l'important Prix Louis-Delluc du premier film.
Prix amplement mérité pour cette oeuvre sensible et sensuelle qui raconte avec une pudeur et une justesse infinies le parcours croisé de trois adolescentes de 15 ans (interprétées par trois jeunes comédiennes formidables), leurs complexes, leurs souffrances, leur malaise, leurs mensonges, leur éveil au sentiment et à la sexualité. Céline filme sans discours les corps timides qui s'assument mal et les jeux cruels de l'adolescence, inscrivant délicatement son oeuvre dans une période de la vie où les mutations physiques changent la donne sans qu'on n'y soit encore vraiment préparés, où les adultes n'ont pas leur place (on n'en voit presque aucun, à part un maître-nageur, une vieille voisine, une caissière et une vendeuse de chez McDo qu'elle joue elle-même) et où les questions du premier baiser, du premier rapport, du premier amour, de la première déception, sont autant d'angoisses et de crève-cœur vécus avec un engagement émotionnel unique.
Les pieuvres qui naissent, ce sont les sentiments, les sensations, l'amour, le désir, la frustration... Ça se passe dans le ventre, dans le cœur, dans le regard et, à l'image de son titre, Céline en parle de la plus belle des façons.