Un film typique de la qualité française, qui sera tant critiquée quelques années plus tard par les jeunes turcs de la Nouvelle Vague : une adaptation littéraire, un réalisateur âgé et (considéré comme) académique, des vedettes au générique, un tournage en studios, et un gros budget visible à l'écran (décors, costumes...)
A cet égard, la première heure se révèle franchement plaisante : on goûte à ce faste, à cette profusion de couleurs (même si le procédé Eastmancolor offre des tons parfois étranges), à la musique de George Van Parys, aux numéros des comédiens, ainsi qu'aux dialogues enlevés d'Henri Jeanson.
Mais on se rend compte dans la seconde partie des limites d'une œuvre qui se concentre essentiellement sur les questions sentimentales, laissant au second plan l'aspect social, et limitant le contexte politique à quelques scènes vites expédiées...
On n'aura pas appris grand chose sur le Second Empire, ni sur la manière dont vit la société française durant cette période, hormis lors de quelques vignettes convenues.
On a parfois l'impression à la longue de contempler des décors de carton-pâte et des costumes d'opérette - ce qui ne remet pas en cause le travail des techniciens concernés.
"Nana " a tout de même le mérite de mettre en évidence le phénomène des cocottes (ou demi-mondaines), ces femmes de petite vertu qui accèdent à un statut social dans la société parisienne de la fin du XIXème siècle, grâce à leurs riches amants et à leurs fréquentations prestigieuses.
C'était bien le minimum à attendre d'une adaptation, puisque cet aspect est au centre du livre de Zola, mais la petite ruche du théâtre des Variétés est reproduite à l'écran de manière vraiment convaincante (avec un Paul Frankeur tout à fait remarquable dans le rôle de Bordenave, le directeur des lieux).
A ce propos, le réalisateur Christian-Jaque peut compter sur une distribution impressionnante, à l'image de Charles Boyer, Jacques Castelot, Noël Roquevert, Jean Debucourt, Marguerite Pierry et beaucoup d'autres. Puisqu'il s'agit d'un coproduction franco-italienne, le casting comprend également des comédiens tels que Walter Chiari, Elisa Cegani ou encore Luisella Boni.
Reste le cas Martine Carol : jamais considérée comme une grande actrice, la femme du réalisateur confirme cette réputation dans "Nana", mais compense par son charisme, son naturel et sa sensualité exacerbée (qui l'autorise à porter des décolletés plongeants).
Finalement, la comédienne apparaît donc à l'aise dans ce rôle de courtisane, même si à titre personnel je ne suis guère sensible à ses charmes.