Le grand Sacha Guitry joue pour la seconde fois, après l'excellent Le Diable boiteux qui est pour moi un de ses meilleurs films, Talleyrand (inévitable que ces deux personnages hauts en couleur, partageant le même cynisme et le même redoutable sens de la répartie, ne se croisent pas et ne se recroisent pas !) ; cette fois, il ne se raconte pas, mais il raconte Napoléon... Enfin deux Napoléon, Napoléon Bonaparte hop un petit tour chez le coiffeur et on a Napoléon Ier (pas encore officiellement mais dans la psychologie, oui !)...
Une fresque de trois heures, basée sur une suite de tableaux et d'anecdotes, et un gros casting de très gros malade comme seul Guitry pouvait se permettre d'avoir le culot de réunir à l'époque. Si Daniel Gélin et Raymond Pellegrin ne font pas des prouesses incroyables, en respectivement général et empereur, et que la grande majorité des acteurs font de trop courtes apparitions pour être autre chose qu’anecdotiques, on retiendra tout de même un "Assez..." mémorable de Jean Gabin en Maréchal Lannes ou une Michèle Morgan, qui s'en sort de manière inattendue en Joséphine de Beauharnais.
Les séquences de bataille, qui se résument juste à voir marcher des soldats dans un uniforme vers d'autres soldats dans un autre uniforme, ne sont pas incroyables. En fait et comme toujours, Guitry excelle dans les bons mots, et quand il s'agit d'Histoire, dans le goût des anecdotes, c'est sa limite mais aussi sa grandeur.
Grandeur qui le pousse aussi sous des airs de légèreté à être lucide sur la personnalité de l'empereur, lui reconnaissant une grandeur incontestée incontestable mais tout en n'occultant pas de rappeler à échelle humaine sa médiocrité occasionnelle à base de mégalomanie ; un portrait sombre qui ne caresse pas l'hagiographie officielle dans le sens du tricorne.