Un retour dans le temps où le cinéma n'était qu'image et imaginaire. Un art où, à peine 30 ans après sa création, on découvrait de grandes fresques épiques, de grandes oeuvres encore jamais égalées aujourd'hui telles que Die Nibelungen de Fritz Lang, La chute de la maison Usher de Jean Epstein ou encore le fameux Napoléon d'Abel Gance.
Fort d'une durée aussi colossale que son personnage teinté de grandes ambiguïtés, Napoléon dans sa vision la plus proche de son auteur grâce au travail titanesque de Georges Mourier et de ses equipes est une immersion totale au coeur d'une révolution française plus palpable qu'un livre d'Histoire. La passion d'Abel Gance pour ce projet historique se ressent à tous les niveaux. Chaque plan, chaque placement, chaque couleur jouit d'une grande finesse de réflexion en gardant toujours à l'esprit cette volonté de briser les liens entre le réel et l'irréel.
Cinéma muet oblige, la mise en scène est souvent très théâtrale. L'expression burlesque de certaines situations fait sourire. En effet, aussi passionné, aussi impressionnante et bouleversante d'émotions visuelles soit cette fresque de 7 heures , Abel Gance n'en oublie pas la légèreté et l'humour. Entre la guerre civile, les massacres, la guillotine et la terreur, cela en est d'autant plus étonnant que réjouissant.
Impossible d'aborder une telle oeuvre sans parler de ses nombreuses et merveilleuses idées visuelles puisant dans tout ce que le cinéma aura connu jusqu'alors. Des rêveries fantasmagoriques de Georges Méliès au colosse Intolérance de Griffith en passant l'oeuvre expérimentale de Dziga Vertov. Une révolution synthétisant ce qui constitue la beauté enivrante du cinéma muet avant sa passation au cinéma parlant.
La caméra virvolte, s'embrasse, danse et dégueule la débauche mondaine. Elle se pose de long moments, observe son monde, ses personnages. Elle se noie dans la tempête, étouffe dans l'assemblée nationale et s'anime tout d'un coup. Du gros plan au plan large, du plan d'insert à la métaphore, son image s'illumine, s'étend et fini par se diviser dans une harmonieuse symphonie de couleurs.
Abel Gance n'ayant pas donné d'instructions précises quant à la direction musicale, une toute nouvelle partition de musiques classiques à été spécialement mise en oeuvre pour ce vu par par Frank Strobel. La musique sublime ainsi la grandeur, combat la mer déchaînée et comprends les silences.
Un monstre de cinéma incarné par Albert Dieudonné, habité et investi d'une mission impossible, rendre crédible les obsessionnelles intentions de l'art de son réalisateur. Une performance terrifiante symbolisée par un regard aussi perçant que celui de l'aigle qui l'accompagne.
Napoléon vu par Abel Gance célèbre en apparence un homme, sa grande Histoire et les petites histoires de France qui y gravitent. Aussi problématique que polémique à son époque, ce n'est pas tant le personnage qui nous intéresse, ni pour Abel Gance de ses dires, mais le rêve de cinéma. L'art qui restitue la grandeur, l'image qui se fige et s'immortalise. C'est avant tout l'Histoire du cinéma, une histoire merveilleuse.
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