Jusqu'à présent, je n'avais jamais eu l'occasion, ni surtout le courage, de visionner le célèbre "Napoléon" d'Abel Gance. J'étais perdu devant les multiples versions et remontages qu'il en existe, et effrayé par la durée gargantuesque de chacune d'elles.

En 2024 sort cette restauration, issue d'un travail de fourmi de 16 ans (!) commandé par la Cinémathèque Française. Visant à reconstituer la "Grande Version" présentée en 1927, couvrant essentiellement les années 1792-1796. Et d'une durée de plus de 7 heures... Voilà enfin l'occasion de s'y mettre, et en full HD s'il vous plait !

Et bien... waouh.

Le défaut évident est la durée très luxueuse, qui en rebutera plus d'un. Certains passages auraient pu/du être écourtés. Tels que le prologue sur l'enfance à Brienne. Ou le début de la deuxième partie, après le siège de Toulon, où il y a un passage à vide, Napoléon étant en retrait de l'intrigue. Les restaurateurs ont voulu préserver les idées d'Abel Gance de l'époque plutôt que de mettre le rythme au goût du jour. Soit, ça s'entend complètement.

Pour le reste, "Napoléon" mérite parfaitement sa réputation de must du cinéma muet et du cinéma français. Abel Gance livre un film aussi audacieux que monstrueusement ambitieux, tant sur la forme que le fond. Avec de nombreuses séquences qui prennent aux tripes.

La première Marseillaise entonnée devant une foule, en pleine Révolution. Une poursuite endiablée à cheval, avec caméra à l'épaule et traveling : totalement dingue pour l'époque. Divers montages presque psychédéliques, sur les affres de la Révolution, dont une scène de fantômes très réussie. Le siège apocalyptique de Toulon.

Et bien sûr toute la dernière demi-heure, tournée en polyvision (3 écrans / caméras agencés), soit en format 4:1 complètement délirant. De quoi permettre des plans de fous bien avant le cinémascope, et des expérimentations lyriques barrées.

A côté, l'écriture du personnage est très intéressante. On est clairement dans un portrait iconique, Napoléon étant présenté comme une figure d'autorité (sur)naturelle, un génie militaire, et un despote éclairé, motivé par la propagation des idées de la Révolution. De nombreuses citations historiques tentent de nous faire croire que ce qui est à l'écran est la vérité. Toutefois ce parti pris très fort est ostensiblement assumé.

Pourtant il y a aussi des passages qui rendent Napoléon très humain, avec de l'humour inattendu. Dont le volet de séduction de Joséphine, où Napoléon apparait comme un parfait ahuri !

Albert Dieudonné tient clairement là le rôle de sa vie... et de sa mort (il sera enterré avec un costume de Napoléon).

Par ailleurs, le film ne se prive pas pour livrer une peinture au vitriol de la boucherie que fut la Révolution. Sans aucune pitié pour Robespierre, Danton, ou Marat, affichés comme des fous furieux. Bref, c'est un beau portrait d'une figure marquante, doublé d'une fresque historique d'ampleur sur des années terribles.

La cerise sur le gâteau étant la magnifique restauration. De bons choix de musique, et une qualité d'image incroyable pour une oeuvre qui a pratiquement un siècle.

Foncez à l'assaut des 7 heures !

Redzing
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films des années 1920 et Les meilleurs films français

Créée

le 26 nov. 2024

Critique lue 13 fois

4 j'aime

Redzing

Écrit par

Critique lue 13 fois

4

D'autres avis sur Napoléon vu par Abel Gance

Napoléon vu par Abel Gance
VizBas
4

Du pain, des olives, du silence... des choses très concrètes

Avant tout un projet visuellement ambitieux, presque autant que le fut son personnage-titre, notamment avec l’utilisation d’un triptyque final, une projection simultanées de trois pellicules en 4/3,...

le 28 juil. 2024

11 j'aime

1

Napoléon vu par Abel Gance
cadreum
10

Manifeste

Napoléon d’Abel Gance est un feu sacré, une œuvre où le cinéma s’élève au rang de prophétie visuelle. Sous la main d’un visionnaire, l’écran devient un champ de bataille où les émotions, les idées et...

le 26 nov. 2024

8 j'aime

Napoléon vu par Abel Gance
Speedy_
10

Un rêve de gosse

Plus de cent ans, il a fallu un siècle pour arriver à la version ultime désirée par Abel Gance. C’est en 1921 que naît le projet. Le but est de faire l’équivalent de Naissance d'une nation en France,...

le 8 juil. 2024

6 j'aime

2

Du même critique

Athena
Redzing
7

Les Trois Heures du Condé

« Athena » semble avoir divisé son public. Entre ceux qui y ont vu enfin un film français flamboyant à la mise en scène ambitieuse, et ceux qui ont pointé du doigt un film vide de sens, destiné à de...

le 29 sept. 2022

33 j'aime

4

Sisu - De l'or et du sang
Redzing
7

Finnish him !

A travers cette histoire d'orpailleur vagabond harcelé par les Nazis, Jalmari Helander livre un hommage assumé au premier Rambo, dont il reprend la structure narrative. Ici, notre homme est un ancien...

le 29 mai 2023

23 j'aime

3

Le Dernier Mercenaire
Redzing
2

Et pourtant il l'avait prédit...

En 2001, alors qu'il fait la promo de "Replicant", Jean-Claude Van Damme est invité sur un plateau télé français. Il expose, dans un franglais plus ou moins cryptique, les principes de ce qui...

le 30 juil. 2021

18 j'aime

15