Lorsque Nazarin propose de travailler pour gagner un repas, il déclenche une rixe car le contre maître est accusé d’avoir spolié un autre de ce travail. Toute l’action du film peut se résumer dans cette séquence. Réquisitoire sans faiblesse contre la charité chrétienne, la croyance qui finit par se confondre avec la superstition, les comportements égoïstes entraînant l’absence de solidarité y compris de la part des pauvres, l’hypocrisie des hiérarchies en général et de l’église en particulier. Nazarin se voit reprocher par cette dernière un comportement indigne pour un prêtre, à savoir la charité. Plus le héros fait du bien et tente de suivre la voie du Christ, plus les tourments se déchaînent autour de lui, entraînant une perte de certitude et de repères, jusqu’à douter de la foi. Filmé de manière très directe qui rappelle les grands films noirs américains : aucun plan sans signification, le tout dans un noir et blanc superbe de Gabriel Figueroa qui refuse tout effet carte postale et une mise en scène de Buñuel qui illustre parfaitement un scénario qui va toujours à l’essentiel. Une certaine ironie en contrepoint de l’austérité de la forme, accentue la force du propos, si bien que le déroulé de seulement 94 minutes défile sans un soupçon d’ennui. Egalement au crédit, un couple d’acteur remarquable avec Marga López (Beatriz) et Francisco Rabal dans le rôle titre. « Nazarin » se classe au niveau de « Los Olivados ».