La nuit appartient à ceux qui se lèvent tard

Au service d’une télévision locale, Lou Bloom arpente la nuit les rues de Los Angeles pour vendre ses images chocs de crimes et d’accidents. Motivé par une concurrence ardue et la difficulté d’agir dans la légalité, il faut une sacrée motivation pour que le malheur des uns fasse le bonheur des autres.


L’agonie de l’argentique au profit du numérique a aussi bien changé l’industrie du cinéma que la manière de mettre en scène les films. Cette nouvelle technologie, en constante évolution, à notamment donné inopportunité de filmer la nuit comme on ne l’avait jamais vu. Michael Mann a pratiquement créé un genre à lui tout seul en présentant son thriller Collateral où les images nocturnes de Los Angeles ont marqué bon nombre d’amateurs de cinéma (mais pas avec son scénario). Night Call se place ainsi dans la lignée de ces films en tentant de nous présenter une Amérique sauvage, loin de l’image rêvée des buildings lumineux et des palmiers de la West Coast. On découvre ainsi la cité des anges au ras du bitume. Loin du Hollywood Boulevard, on oublie bien souvent que la mégalopole californienne s’étend sur une immense surface et recouvre aussi bien des quartiers résidentiels huppés que des endroits peu fréquentables.


Le scénariste Dan Gilroy endosse à 55 ans pour la première fois le costume de réalisateur. Pour ce faire, il n’a pas hésité à appeler la famille puisqu’on retrouve au générique ses deux frères (script et montage) ainsi que sa femme dans le rôle de Nina Romina, directrice de l’information sur une chaine télé locale. Ce dernier point à son importante car Night Call est une critique de notre société « du buzz » où pour maximiser son audience face à une large concurrence, le but est de montrer des scoops avant les autres. Plus c’est sensationnel (sang, violence, danger), mieux c’est. Une occasion parfaite pour quelques charognards qui se baladent la nuit dans LA pour filmer les crimes et autres accidents aussi morbides soient-ils.


Jake Gyllenhaal, le visage émacié et le regard flippant est Lou Bloom. Ce type bizarre se trouve une vocation finalement adaptée à sa personnalité dénuée d’émotions, de compassion. Il devient dès lors très fort pour arriver en premier sur les lieux des drames et mettre en boite des images au prix de méthode pas très orthodoxes. Le vice est poussé à l’extrême lorsque l’on assiste à la diffusion des images à la télévision où les présentateurs ont pour consigne de faire monter la mayonnaise, quitte à instaurer un climat de peur sur la ville.


Malheureusement, tout au long des 2h de film, l’histoire ne se renouvelle que très peu. C’est d’autant plus problématique pour notre personnage principal qui n’évolue pas entre celui qu’il est au début et à la fin. Hormis la progression logique de son ascension professionnelle, on ne se plonge jamais dans sa psyché, on ne connait pas ses limites. Le « pourquoi » reste en suspens. Bloom est une sorte de robot qui nous empêche d’avoir un minimum d’empathie. Quant à son collègue, il n’a clairement aucune personnalité, un mec random dont on oublie la présence aussitôt qu’il n’est plus à l’écran. Enfin, Night Call manque aussi d’une bande son pour nous plonger définitivement dans l’ambiance de LA.


Satire un peu exagérée de la « culture du buzz », Night Call n’en demeure pas moins original et lourd de sens dans son message. La reconversion de Jake Gyllenhaal dans le cinéma indépendant américain lui permet d’enchainer les rôles caractéristiques d’âmes sombres et torturées, à chaque fois avec un certain brio. Imparfait dans sa construction des personnages et légèrement répétitif, la référence du genre n’échappera pas encore à Nicolas Winding Refn et son fameux Drive.

ZéroZéroCed
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le 24 sept. 2016

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