Téléréalité, faits divers au journal télévisé, images chocs qui circulent sur Internet : il n’est plus nécessaire de démontrer le goût pour le voyeurisme de notre société. Mais là où ‘Nightcrawler’ parvient à faire preuve d’une subtilité glaciale, c’est en nous confrontant à nos propres contradictions.

A la manière de ‘Breaking Bad’, ‘Nightcrawler’ relate l’évolution d’un looser anonyme qui se découvre une voie vers le pouvoir en même temps qu’il sombre dans l’immoralité. Anti-héros inquiétant et détestable, le spectateur ne pourra pourtant pas s’empêcher de prendre conscience du magnétisme phénoménal du personnage. Ainsi, on suivra avec une fascination non-dissimulée l’ascension sociale jubilatoire de ce psychopathe irrésistible. La réussite du portrait de Louis Bloom tient en grande partie au talent de Jake Gyllenhaal et à sa métamorphose physique troublante, mais également à une écriture très fine du personnage. En effet, l’assurance affichée du jeune homme sonne faux de bout en bout, et ses monologues tirés de leçons de coaching en ligne de Louis finissent de le rendre parfaitement angoissant.

Mais la réflexion de ‘Nightcrawler’ sur le voyeurisme ne s’arrête pas au plaisir suscité par les succès d’un anti-héros. L’œuvre dresse un portrait très critique des journaux télévisés américain, plus investi par la recherche de sensationnel et d’audience que par leur devoir citoyen. Mais le procédé s’applique au spectateur lui-même : on veut voir de près ce que filme Louis, et on jubile de voir des images sordides à l’écran. Pire, le film parvient à nous frustrer lorsqu’il décide de censurer certains passages (l’évocation sans images des soirées entre Nina et Louis) pointe du doigt nos propres faiblesses.

En outre, ‘Nightcrawler’ bénéficie d’une réalisation de qualité. La mise en scène est impeccable, et la mise en abîme que le réalisateur opère en faisant de Louis un metteur en scène lui-même est passionnante : on a rarement l’occasion de voir des reportages sur les faits divers aussi bien illustrés. En outre, les images urbaines sont superbes et la bande-originale entre fausse douceur et tension électrique ajoute au malaise provoqué par l’œuvre.

Une œuvre fascinante.

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le 21 mars 2015

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Kroakkroqgar

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