" Il faut se faire de l'argent pour acheter un billet !!! "
Avant d'être, pour nos contrées, absurdement traduit de l'anglais en anglais, Night Call s'appelait Nightcrawler. Un titre bien plus évocateur, puisqu'il signifie « ver de terre » : le genre de vermine qui s'épanouit sur les cadavres, se repaît de la mort, exactement comme Lou, héros inquiétant de ce thriller pas comme les autres.
Un soir, ce voleur miteux, cette ombre parmi les ombres découvre sa vocation, son destin. En tombant par hasard, à Los Angeles, sur un accident de la circulation, il repère des cameramen, l'objectif rivé sur la tôle ensanglantée et les blessures ouvertes. Plus tard, ils iront vendre leurs images aux télés les plus offrantes, pour le journal du matin. Il le sent, il le sait : ce job est fait pour lui. Il s'achète aussitôt une petite caméra, un scanner pour capter la fréquence radio de la police et des pompiers, et se met en chasse... Début d'une longue apnée nocturne, nauséeuse et captivante, dans le monde de la télé trash américaine.
Ce portrait d'un serial filmeur tient, en grande partie, à la performance d'un Jake Gyllenhaal sans âge, amaigri, indéchiffrable, ignoblement mielleux et sournois, ses grands yeux luisant comme des miroirs sans tain. Car Lou, devenu le meilleur de tous les charognards qui traquent le fait divers après minuit, n'est pas simplement cynique, ou vénal. C'est un authentique sociopathe, un traqueur froid, tout entier dévoré par ses pulsions, et qui vole les images comme d'autres tuent à la chaîne. Un personnage marquant, inédit, au masque souriant et obséquieux, qui fait du chantage au sexe à la patronne d'une chaîne de télé (Rene Russo, parfaite en prédatrice devenue proie) ou martyrise son assistant au nom de la performance.
A travers cette figure dérangeante, le film ne s'attaque pas seulement au commerce du voyeurisme ou à l'univers impitoyable du business hollywoodien. Il épingle aussi, cruellement, le discours agressif et aliénant du management. Gloire à ceux qui sont prêts à tout, vraiment tout... Amoralité glaçante, mais drôle aussi, pour qui aime déguster l'humour très noir. Pour son premier long métrage en tant que réalisateur, le scénariste Dan Gilroy (Jason Bourne : l'héritage) filme Los Angeles comme on l'a rarement vue : une ville dont les lumières vacillent, un organisme infecté par le plus moderne des monstres de cinéma !!!