[Titre dédicace à la génération 90's qui se reconnaîtra]
Que pourrais-je bien raconter de plus que ce qui a déjà été écrit 1000 fois sur ce film grandiose, pour moi le meilleur des frères Coen ? Hormis une ou deux longueurs, No country for old men a tout du chef d'oeuvre universel : un casting formidable (avec en tête la performance ahurissante de Javier Bardem), une forme impeccablement maîtrisée qui en fait un véritable western urbain, et une réflexion intéressante sur le hasard et la mort (que personnifie Anton Chigurh).



  1. Llewelyn Moss est un ancien vétéran du Viêtnam qui galère un peu à joindre les deux bouts entre deux tentatives de chasse en plaine infructueuses. Un jour, au gré d'une de ses errances désertiques, il tombe sur une scène de carnage : un règlement de comptes de trafiquants de drogue mexicains particulièrement sordide. A quelques encablures de là, il tombe sur le mobile de la tuerie : une valise pleine de billets qu'il s'empresse d'embarquer avant de rentrer chez lui fissa.


Le soir venu, il fait une énorme connerie qui va lui coûter très cher - bon, en même temps s'il ne la faisait pas, y'aurait pas de film non plus - il va revenir sur le lieu du carnage avec un bidon d'eau pour l'un des mourants qui lui en avait réclamé. Gare sa voiture en haut de la colline et, arrivé en bas, constate qu'il n'est plus seul. Le voilà repéré, désormais proie d'une traque sans merci.


Moss se retrouve avec un tueur aux fesses : et pas n'importe lequel : Anton Chigurh, le gars qui dézingue tout ce qui bouge avec une froideur terrifiante... et un pistolet d'abattage. Ce seul détail suffirait à faire de ce personnage un être absolument singulier. Il faut le voir déambuler le regard fixe, la bombonne à la main, prêt à exploser le moindre obstacle à deux pattes sans le moindre début d'état d'âme. Javier Bardem incarne avec un brio époustouflant ce psychopathe fascinant, parvenant à en faire par instants un personnage à la frontière de la comédie : le passage dialogué avec le vendeur de la station-service en est un bon exemple.


Pour moi, ce personnage symbolise la mort, le hasard implacable et froid, totalement arbitraire, qui vous fait passer de vie à trépas en une seconde, juste parce que vous aviez la malchance de vous trouver au mauvais endroit, au mauvais moment face à lui, qui ne fait jamais de quartiers. Il est également un personnage éminemment mystérieux et complexe dont on ignore absolument les motivations, dont l'intelligence montre qu'il n'est pas totalement fou mais en revanche absolument incontrôlable.


Javier Bardem montre avec ce rôle qu'il est sans doute l'un des plus talentueux acteurs de sa génération : a-t-il jamais joué dans un mauvais film ? Sait-il mal jouer ? Pour moi, il est exceptionnel, capable de glacer, de faire rire ou émouvoir selon les rôles - un acteur caméléon extraordinaire.


La chasse à l'homme s'engage, nous prend au collet et ne nous lâchera plus : grâce à de nombreuses trouvailles scénaristiques (dont la fameuse balise glissée dans la valise), mais aussi à la mise en scène des frères Coen, d'une intelligence redoutable, qui joue à merveille sur les clairs-obscurs, les jeux de lumière (l'ombre au bas de la porte), les hors-champs, le tic-tac de la balise, le suspense parfaitement entretenu, les cachettes et les courses poursuites : impossible de s'ennuyer une seconde.


La présence mélancolique de Tommy Lee Jones, en vieux flic désabusé face au règne du chaos qu'il tente de comprendre, apporte au film une forme de sagesse et une hauteur de propos que j'ai trouvée très réussie, même si certains monologues tombent parfois un peu à plat. Et puis cette langue américaine qui avale toutes les syllabes, très difficile à comprendre sans sous-titres, donne également une belle puissance folklorique, authentique, à ce western contemporain ultra-léché.


Le génie de ce film, c'est de parvenir à mélanger les genres : le thriller, le western, la comédie (la présence de Woody Harrelson n'y est pas étrangère) - le tout servi par des performances d'acteurs éblouissantes et tenu par une mise en scène au cordeau. Le montage entretient très habilement le suspense via des plans qui ménagent habilement l'attente de ce qui va suivre : je pense notamment à l'une des dernières scènes où l'on voit Tommy Lee Jones hésiter devant la porte du motel et constater que la serrure a sauté. Le plan suivant nous montre Chigurh caché dans le noir et l'on ne sait pas à ce moment-là si l'un va rentrer dans la chambre, si l'autre va surgir : bref, on s'accroche comme on peut, le coeur battant, à son canapé.


No country for old men ne va jamais dans la direction qu'on attendrait, c'est là sa force et son intelligence, sa manière de rompre avec les codes et les conventions des genres dont il s'inspire : chez eux, les gentils ne gagnent pas forcément à la fin, les méchants sont plus machiavéliques qu'on le croit, les flics doutent d'eux-mêmes...Voilà sans doute ce qui en fait un objet cinématographique singulier, actuel et surprenant que je ne me lasserai jamais de voir et revoir.


Heureuse de consacrer ma 500ème critique à ce film quasi-parfait, intemporel, glaçant, haletant, d'une brillance absolue : un classique avant l'heure, à ne manquer sous AUCUN prétexte.

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le 13 mars 2017

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