Les documentaires sur les grands cuisiniers, c'est toujours pareil : d'abord les recherches où on filme les cuisine de façon un peu mystérieuse, après le chef arrive et engueule ses cuisiniers, la pression monte, puis ouf, on savoure le menu avec chaque plat filmé en gros plan.
C'est normal, c'est un peu comme ça que ça se passe en vrai, mais il y a souvent un autre propos. Dans les documentaires sur le Jean-Michel et Sébastien Bras, il y a avait la transmission des parent, dans—l'excellent—El Bulli de Feran, la névrose artistique. La cuisine n'est pas l'unique sujet, loin s'en faut.
Sauf que là, rien. Que dalle, peau de zob. Biopic ultra-linéaire et mis en scène, avec une team ou chacun a son rôle, avec des face caméras ultra profonde «ouais, la nature, c'est vraiment complexe». Ha ça, si les cuisiniers étaient Nobel de littérature, ils se feraient pas autant chier à éplucher les patates. Et vous aller les voir en chier. Le mec qui brave son instinct pour tuer une tortue vivante, alors même qu'elle peut mordre. Le mec qui va chercher des morceaux d'arbre sous la pluie. Même le mec qui se fait saigner les main à la salle de muscu, mais qui s'en fout, parce que c'est un gagnant, un battant, il a la rage. Mais tu verrais aussi René Redzepi, le mec trop cool, être humble devant un maître poissonier qui a 30 d'expérience. Un mec bien ce René… et on manquera pas de te le rappeler.
Bon c'est pas si horrible, si, on voit de la bonne bouffe, c'est tout ce qu'on lui demande à ce film non ? Certes, mais le film passe à côté d'un sujet tellement énorme. LE sujet, que même Redzepi en parlé dans son blog. Ce voyage a été un échec. La foirade totale. Du copié-collé de Noma dans un hotel 5 étoiles, toutes les originalités foirent (ferment, champignons, mousse, tamagofu). Comble on verra l'R'né expliquer à ses client que sa crevette au sel de fourmis—rien à voir avec le sel de fourmis du Danemark— est extra fraîche. Dans un pays où on mange les sashimis direct au marché au poisson, où on mange les sushi dans les 15s max, le mec vient et explique que sa crevette acheté au marché le matin qui a mis plusieurs minutes à arriver à table est «extra-fraiche». Et il en est fier.
Du coup on se demande… Est-ce que c'est Redzepi qui a tout policé ? La rockstar serait soucieuse de son image ? Ou alors c'est le réal, qui n'a pas osé filmé ce qu'il a réellement vu, tellement subjugué par son idole ? Le succès de Noma au Japon était programmatique : 60 000 personnes sur liste d'attente en 2h, un public qui fera "haaannn ça a l'air bon" et donc un film où tout est annoncé d'avance… peu importe l'issue réelle.
Pourtant il y avait matière à un très beau film, sur cet échec et sur justement un système qui refusera de le voir quoi qu'il arrive… mais pour ça il aurait fallu un réal', pas un groupie.
P.S. : ne me faite pas dire ce que j'ai pas dit, je vais manger chez Noma quand vous voulez, même au Japon ! C'est le film que je critique, pas la nourriture !