J'ai vu Nope il y a deux jours et j'ai pris le temps de bien le laisser maturer dans mon esprit. Et ce qui prend le dessus, je crois, c'est l'excitation face à un objet paradoxalement assez singulier malgré ses influences ultra-populaires et évidentes : convoquant Spielberg et Shyamalan, Nope est à la fois western, film d'ovni et critique de l'industrie hollywoodienne. En somme, un monstre difforme à lui seul.
Mais de formes, d'images, c'est bien de ça dont il est question tout au long de l'œuvre. Malgré une tendance à la dispersion comme dans Us, Peele garde ici finalement un cap thématique : la fascination vis-à-vis des images, et l'exploitation dans leur fabrication (des hommes, comme l'homme noir invisibilisé de l'histoire du cinéma et marginalisé de l'industrie ; des animaux, exploités jusqu'à la folie).
Le film, assez dispersé jusque-là avec des séquences coupées abruptement, multipliant pistes et fausses pistes, prend toute sa dimension lorsque la survie face à la menace extraterrestre devient secondaire derrière sa captation à l'image (cf. le chef op. à la voix caverneuse). Toute la beauté du climax se trouve dans le paradoxe de chercher à filmer ce qu'on ne peut regarder.
Le climax mène par ailleurs à un autre très beau geste de la part de Peele lorsque les personnages principaux, marginaux de l'industrie cinématographique, deviennent à l'écran de véritables icones de cinéma, en particulier Daniel Kaluuya en cow-boy derrière la brume.
Après le coup de maître Get Out et le frustrant film de petit malin Us, Jordan Peele signe un vrai film populaire que l'on prendra plaisir à revoir et redécouvrir.