Ce 3ème "Nosferatu" est un objet fascinant avec son ambiance pesante s'éloignant de toute stylisation du mythe du vampire : nous sommes ici plus proche de la putréfaction que des habituels teints blafards et autres beautés éternelles.
Le petit bémol pourrait provenir d'une forte sensation de déjà vu aussi bien dans son histoire que par sa forme: énième réinterprétation de Nosferatu/Dracula par un Robert Eggers certes en pleine possession de ses moyens mais dans un style que l'on commence à bien identifier via ses ses précédentes œuvres (photo ténébreuse/grisâtre, ratio proche du 4/3, approche très crue/réaliste de l’horreur, un attrait pour les mythes païens et le folklore comme le montre par exemple la séquence des gitans...).
Il manque également peut-être une plus value par rapport aux Murnau et Herzog malgré la tentative d’épaissir le personnage de Ellen
(ici elle entretient relation "onirique" pendant sa jeunesse avec le comte Orlok ; son arc consistera à devoir choisir entre le bien représenté par son mari Thomas et le mal incarné par le vampire)
avec la mise en avant de Lily-Rose Depp : bien que parfois un peu forcée, son interprétation est incarnée et on peut louer son investissement et les prises de risques (toute proportion gardée, la Adjani de "Possession" n'est parfois pas très loin). De plus son physique associé à un choix de costume/coiffure judicieux lui confère un look d'actrice du muet et apporte un vrai atout au film.
En revanche, malgré un Willem Dafoe efficace (mais sans surprise), les rôles masculins sont moins bien servis avec deux acteurs peu charismatiques (Nicolas Hoult, sympathique mais toujours un léger, et Aaron Taylor-Johnson fade et dont le personnage ne présente pas un grand intérêt) et un comte Orlok légèrement décevant : s’il est visuellement très impressionnant avec un look inattendu
(la moustache!)
et réussi, le distinguant de Max Schreck ou de Klaus Kinksi (nous serions plus proche du "Dracula" de Coppola en moins flamboyant), il manque de vie (logique pour vampire!); l'interprétation de Bill Skarsgård se perdant sous les prothèses et le maquillage.
L'exercice est donc très appliqué et sincère (Eggers voulait déjà le réaliser après "The witch") mais reste trop corseté dans son hommage (nous ne sommes pas loin d'un beau livre d'image) pour que le talentueux cinéaste prenne totalement son envol.