Après la claque qu’avait été « The Witch » en 2016, Robert Eggers était devenu le nouveau réalisateur américain dont il fallait suivre le travail, accompagné par son comparse Ari Aster.
Mais dès, « The Lighthouse » et « The Northman », le soufflet est retombé. Les films souffrent d’une lourdeur formelle et d’un manque de fond comparé à son premier film.
Après l’expressionnisme de Murnau en 1922 et le remake plus naturaliste et organique de Werner Herzog en 79, Robert Eggers s’attaque donc à Nosferatu.
Malheureusement, le film ne décolle jamais, souvent bavard, peu effrayant et cherchant très souvent à reprendre l’esthétique du remake de Herzog sans jamais y parvenir.
L’ambiance est certes léchée, mais fait davantage penser à Sleepy Hollow qu’à Nosferatu.
L’incarnation de la créature reste le plus frustrant et ce qui fonctionne le moins.
Une voix caverneuse, une pilosité faciale à la limite du ridicule et un corps en putréfaction succèdent à l’ambiguïté érotique et à la grâce de Klaus Kinski dans la version de 79.
Malheureusement pour Eggers, le vampire ne doit pas simplement représenter une incarnation du mal. Sous les prothèses et le maquillage, Bill skarsgård est un monolithe rigide sans réelle profondeur.
Tant chez Max Schreck que chez Kinski, les émotions torturées pouvaient se lire sur le visage inquiétant de la créature.
Dans les versions précédentes, il régnait une atmosphère de fin du monde dans la ville fictive de Wisborg. Ici, tout est trop propre. Les rats sont gros et bien portant, aucune ordure ne traine et le brouillard s’est levé, ne laissant plus de place à l’imagination.
Néanmoins, deux scènes restent en tête : le carrosse venant chercher Thomas dans la forêt enneigée, où on retrouve alors le réalisateur de « The witch » qui nous fait enfin ressentir cette inquiétante étrangeté à travers son montage et sa réalisation ; et l’hommage à l’exorciste dans une scène où Lily-Rose Depp se contorsionne sur son lit, dans une scène qui reprend la lumière et les cadrages du chef d’œuvre de Friedkin.
Cette dernière tire son épingle du jeu et surnage largement par rapport à ses collègues masculins : Nicholas Hoult, Willem Dafoe et Aaron Taylor-Johnson.
Il manque néanmoins cette ambiguïté érotique dans la scène finale qu’avait su nous offrir Isabelle Adjani. Cette scène est très vite expédiée sans que nous ayons eu le temps d’en savourer les enjeux : Ellen doit retenir Nosferatu dans son lit toute la nuit afin de le piéger au lever du soleil.
En bref, Robert Eggers nous livre une copie bien trop sage d’un chef d’œuvre dont il reprend les codes sans en comprendre le sens et passe à côté des enjeux, de la peur et de la sensualité. Pourtant, dans son premier film, il était bien question de désirs réfrénés, d’éveil aux sens et de corps en changement.