Le site est de retour en ligne. Cependant, nous effectuons encore des tests et il est possible que le site soit instable durant les prochaines heures. 🙏

Nosferatu
6.4
Nosferatu

Film de Robert Eggers (2024)

Dans le paysage cinématographique actuel, et plus particulièrement à Hollywood, on ne cesse de se lamenter sur les blockbusters insipides. Ces œuvres, calquées sur un même modèle, manquent cruellement de volonté artistique. De nombreux auteurs, dépourvus de style dans leur mise en scène, alimentent ce constat. Pourtant, il serait injuste d’ignorer certains réalisateurs qui tentent de se libérer de ces chaînes oppressantes. Ces derniers s’engagent dans un style unique et ambitieux.

S’il ne fallait retenir qu’un seul auteur récent, le nom de Robert Eggers s’impose. Ce jeune réalisateur prolifique possède un goût profondément ancré dans un style gothique, voire baroque. Cependant, il évite soigneusement toute imitation burtonienne pour inscrire son cinéma dans une vision propre. Son style, à la fois lancinant, surréaliste et psychédélique, s’est affirmé avec ses deux premiers longs métrages. Pourtant, pour votre serviteur, ces œuvres se sont révélées encombrantes. “The Witch” (2016) était parfois vulgaire, surfaite et inutilement complexe. Quant à “The Lighthouse” (2019), il frôlait l’absurdité.

Ce n’est que lorsque Eggers a choisi de réinterpréter plutôt que de créer qu’il a trouvé une véritable alchimie dans son œuvre.

Ainsi, avec “The Northman”, Robert Eggers insuffle une dimension épique et mythologique à son cinéma. Il revisite l’histoire du prince vengeur Hamleth, portée par les cris du Valhalla et les terres nordiques. Cette œuvre, imparfaite mais fascinante, souffre d’un manque de renouveau dans l’adaptation du récit shakespearien. Toutefois, elle reste brutale, sincère et unique dans son propos.

Après cette brillante incursion dans une mythologie, Eggers s’attaque à un autre monument. Il réadapte le comte Dracula, en se plaçant du point de vue du “Nosferatu” de Friedrich Wilhelm Murnau (1922). Œuvre majeure du cinéma européen et mondial, ce film trouve ici une relecture moderne fascinante, bien qu’imparfaite.

Ce “Nosferatu” revisité par Eggers, si attendu, prouve une fois de plus le talent du cinéaste. Il insuffle une vision désespérée et crépusculaire à l’œuvre originale. Le réalisateur perfectionne ses effets de style et prolonge son esthétique sombre, amorcée depuis “The Witch”. Cette continuité se manifeste également dans son casting. Ralph Ineson et Willem Dafoe, déjà présents dans ses précédents films, côtoient ici de nouveaux venus comme Aaron Taylor-Johnson. Ce dernier, bien qu’encore marqué par l’échec de “Kraven”, offre une performance juste.

Parmi les performances marquantes, il faut citer Nicolas Hoult. Après son rôle dans “Juré n°2”, il se distingue ici malgré une présence moins marquante face à deux figures dominantes. Lily-Rose Depp, d’abord. Après une performance controversée mais prometteuse dans “The Idol” (2022), elle trouve ici son rôle majeur. L’actrice incarne Hélène avec une justesse impressionnante. Elle frôle parfois le ridicule, mais parvient à préserver une force émotionnelle dans les moments intimes. Elle devient ainsi la figure féministe centrale du film.

Enfin, il y a Bill Skarsgård, parfaitement maquillé et terrifiant en Nosferatu. Déjà mémorable dans son rôle de Pennywise dans “Ça”, il insuffle mystère et peur à son personnage. Eggers, avec intelligence, cache cette figure monstrueuse dans l’ombre pendant une grande partie du film. Ce choix, également repris dans la campagne marketing, amplifie l’impact symbolique de Nosferatu. Le comte Orlock incarne la mort et la pourriture enfouie en chacun de nous. Cette emprise se reflète dans le personnage d’Hélène.

Hypnotisant est sans doute le mot qui décrit le mieux ce long métrage. La créature terrifie. La caméra d’Eggers captive. L’ambiance pèse sur les sens et plonge le spectateur dans une expérience immersive.

Cependant, cette réinterprétation souffre de quelques limites. Bien qu’Eggers maîtrise les codes de l’œuvre originale, il n’apporte pas de véritable nouveauté. Sa vision reste trop proche des versions de Murnau et Herzog. Ce manque d’audace engendre une certaine neutralité. On ressent une peur de transcender l’œuvre d’origine.

Ce problème était déjà présent dans “The Northman”. Le rythme, parfois lent et mortifère, alourdissait le film. On retrouve ce même défaut dans “Nosferatu”. Ses 2h12 semblent interminables, surtout dans la dernière partie. Le film perd en rythme et laisse un goût amer.

En conclusion, “Nosferatu” (2024) est une réinterprétation magistrale dans sa mise en scène. Eggers joue subtilement entre romantisme et putréfaction symbolique. Nosferatu, digne héritier du comte Dracula, est porté par une esthétique baroque et gothique. Cependant, son traitement académique du personnage reflète une malédiction récurrente dans le cinéma d’Eggers. Malgré tout, cette œuvre reste fascinante et s’inscrit logiquement dans la continuité de sa filmographie.

SQUA
7
Écrit par

Créée

le 25 déc. 2024

Critique lue 24 fois

SQUA

Écrit par

Critique lue 24 fois

D'autres avis sur Nosferatu

Nosferatu
GuilhemEvin
5

Est-ce que sucer ça ne serait pas nous tromper ?

Après l’échec commercial de The Northman, censé incarner “le Gladiator de la nouvelle génération”, Robert Eggers était prévenu, son cinéma austère et ampoulé allait devoir puiser dans la folie du...

le 22 déc. 2024

39 j'aime

11

Nosferatu
Yoshii
6

L'Exorcisme De Lily-Rose

Alors qu'il semblait définitivement libéré de son immortalité putride, et disparu à jamais, le comte Orlok alias Nosferatu, frétille de nouveau devant la caméra du proclamé nouveau génie du film...

le 28 déc. 2024

30 j'aime

6

Nosferatu
Kas_Citronné
5

En trois mots

Nosferatu en trois mots :- Bavard - Monstrueux - Réducteur Il y a quelques années, en tant que grande amatrice de films d'horreur, je suis tombée sous le charme de The Witch de Robert Eggers, un film...

le 25 déc. 2024

24 j'aime

6

Du même critique

The Apprentice
SQUA
8

L’irrévérence Américaine à son paroxysme

Attendu par son côté satyrique et irrévérencieux tout en ayant séduit un certain public cannois « The Apprentice » est une œuvre qui sera au combien polémique tant son sujet peut faire grincer des...

Par

le 10 oct. 2024

Beetlejuice Beetlejuice
SQUA
6

Quand l’ancien et le nouveau Burton se marie inutilement

Un film de Tim Burton , c’est comme une boîte de Chocolat ?, on ne sait jamais sur quoi on va tomber (cf FG) , cette phrase s’affirme depuis quelques années chez le réalisateur américain , en effet ,...

Par

le 23 sept. 2024

Deadpool & Wolverine
SQUA
6

Le petit Jésus Marvel à la rescousse

Attendu comme le Messi par certains, redoutés comme la peste par d’autres (votre serviteur), il fut néanmoins perçu comme un véritable événement cinématographique de l'été, ramenant un Hugh Jackman...

Par

le 23 sept. 2024