C'est toujours aussi froid, toujours aussi sombre : le style Eggers est maintenant bien connu et bien rodé, pourtant, chacun de ses films s'imprègne en moi de manière différente. The Witch m'avait fasciné, le bavard The Lighthouse m'avait agacé quand The Northman m'avait stimulé. Avec ce Nosferatu, pour la première fois, une de ses productions ne provoque en moi aucune réaction forte, décisive. Toujours aussi maître de ses images et d'un univers hautement esthétique, Eggers s'attaque donc ici (après les chefs-d'œuvre des deux Allemands Murnau en 1922 puis Herzog en 1979) à l'adaptation d'un mythe cinématographique et sa tentative de modernisation. Les décors gothiques sont irréprochables bien que le château du comte - élément selon moi capital dans la bonne présentation du récit - ne soit pas suffisamment mis en valeur à mon goût. Le climat sera lourd, glacial, la neige abondante, le personnage d'Ellen étoffé et le sous-texte sexuel amplifié, voire alourdi, même si la trame originale se verra bien respectée. Pas de folle audace finalement, plutôt de gros réajustements comme avec ce Nosferatu vaguement créatiné, jamais charmeur, en aucun cas ensorceleur, plus directement violent, loin de cette sorte de vulnérabilité diaphane, de ce romantisme maudit qu'Herzog avait par exemple voulu et réussi à imprimer dans sa version. Chez Eggers, tout semble plus épais, plus musclé, parfaitement léché mais constamment un peu trop appuyé ou un peu trop concret pour le genre. Peu à peu, le traitement de cette relecture se laissera dévorer par un désir de puissance comme mal proportionné, progressivement trop envahissant. En cherchant notamment à développer une sorte de langage psychosexuel et à accuser la brutalité des rapports liant Nosferatu à Ellen, son regard finit par perdre probablement en subtilité, sûrement en poésie.
Pour autant, son respect des réalisations de ses prédécesseurs l'aide à garder un cap assez consistant pour ne pas rejeter en bloc son parti pris, à garder un certain maintien, à garantir une certaine tenue. Son approche aura toujours le mérite d'offir un regard actualisé sur cette œuvre de légende, un regard plus charpenté, tout à fait valable ; plus élaboré mais à la fois plus rude.