Nosferatu
6.4
Nosferatu

Film de Robert Eggers (2024)

Nosferatu est un personnage mythologique inspiré de Vlad l'Empereur, dont l'existence remonte au XVe siècle. Vlad l'Empereur (Vlad le Dragon) et ses descendants sont de cruels despotes. En guerre contre l'Empire ottoman, ces figures médiévales présentent toutes les caractéristiques de notre actuel président de la République lorsqu'il prétendait gouverner avec le peuple, ne s'inclinant ni à droite ni à gauche mais tous ensemble "En marche !" pour mieux exercer son pouvoir, seul. En fait d'écarter son pied du Mal, il s'y est plongé tout entier et nous avec, jusqu'au Grand Confinement et même après que le Covid s'est installé définitivement.


Avant de devenir Nosferatu au cinéma, derrière la caméra de Murnau et de Herzog, notre vampire est d'abord Dracula, un personnage de roman créé par Bram Stocker. L'incarnation du Mal. Dominateur, il supplante l'Ankou, sa carriole aux essieux grincheux et sa faux à l'envers, en provoquant des crimes de masse. Nosferatu 2024 se revendique de cet héritage en important la peste à Wisborg pour assouvir ses plans diaboliques et sanglants.


L'intrigue ne varie pas: le lendemain de ses noces, Thomas Hutter, jeune clerc de notaire, est envoyé par son patron au Chateau de Nosferatu. C'est chez lui, de l'autre côté des Carpates, que le comte signera l'acte de propriété pour l'acquisition d'une ruine gothique qu'il entend posséder à Wisborg. Thomas Hutter abandonne sa jeune épouse Leni le temps du voyage. Or cette dernière est anxieuse: elle prédit la mort à son époux, une mort qu'elle-même embrassera avec bonheur. Jadis somnambule, elle fut la proie de contorsions cauchemardesques. Thomas inquiet, remet sa jeune épouse aux bons soins d'un couple d'amis avant d'entreprendre son voyage.


Eggers nous met alternativement à la place de Thomas, tout au long de sa mission opaque et de Leni, dont la possession s'intensifie, qu'un médecin soigne en la ligotant et en la gaslightant à l'éther. Chez le couple qui la veille, les deux petites filles, apeurées par les contes que leur père leur lit le soir, semblent plus craintives encore, en présence de Léni. Elles ont cet air fiévreux des jumelles dans Shining.


L'atmosphère est anxiogène. Sur la route, à travers la forêt ténébreuse, Thomas se fait voler par une communauté de Tsiganes aux rites barbares et païens. Parvenu à l'intersection d'une route embrumée, une charrette sans conducteur lui ouvre sa portière en direction du seul chemin qui vaille. Au Chateau de Nosferatu, il se met à délirer, pris de sueurs. Le comte lui extorque une signature sur un acte traduit dans une langue moyenâgeuse et l'enferme.

De son côté, Leni semble prise d'étreintes sexuelles non consenties avec une figure existante dans son esprit et dans son corps. Elle est possédée, tous sens confondus.


Le consentement. Voilà en quoi ce Nosferatu fait preuve de modernité. Tel est l'angle du film. L'autre proposition de Robert Eggers, est de laisser entendre que le sauveur, celui qui brisera la possession, providentiel et mystique Professeur Albin Eberhart Von Franz, quoique doté de la raison du scientifique, serait lui-même vampire. Interprété par Willem Dafoe, à l'allure intranquille, l'hypothèse convainc.


Le film se vit comme on lit un roman addictif: des chapitres courts et intenses, saisissants. Une intrigue dévoilée bribe après bribe. Chacun de ces micro-chapitres est ponctué d'une musique entêtante et explosive. Il y a les cris, l'effroi, la stupeur. C'est irrésistible: qui de Leni ou du spectateur est le plus ensorcelé ?


Lily-Rose Depp a été choisie pour succéder à Isabelle Adjani dans le rôle de Leni. Premier grand rôle au cinéma: elle correspond parfaitement au personnage. Son visage expressionniste rappelle celui du Cri d'Edvard Munch. À certains égards, dans certains plans, elle me fait penser à une héroïne d'un film de Robert Bresson. Elle a cet air christique et juvénile. C'est Nicolas Hoult qui s'éprend de Thomas Hutter. Gracile, félin, son inquiétude nous étreint. Il ressemble à s'y méprendre au Voyageur contemplant une mer de nuages, de Caspar David Friedrich. Quant aux paysages, ils traduisent ce romantisme allemand exacerbé qui envoûte autant qu'il glace, mâtiné d'un brouillard turnerien.

J'ai passé un excellent moment de cinéma, tout' envoûtée.

Isabelle-K
8
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le 26 déc. 2024

Critique lue 24 fois

Isabelle K

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